Aller au contenu

Page:Vinet - Études sur Blaise Pascal, 1848.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
du plan attribué à pascal

un instinct que nous ne pouvons réprimer, qui nous élève. » (I, iv, 3 ; v, 4.)

Ce qu’il y a d’étonnant dans l’homme, c’est la place vide d’une foule de grandes choses ; ce sont ces élans sublimes qui aboutissent à des chutes, ce sont ces infinis désirs qui s’assouvissent sur un néant ; c’est la recherche des vrais biens où ils ne sont pas ; c’est le caractère d’un être déplacé, égaré, perdu : la disproportion entre les moyens et la fin.

1. L’homme respecte l’âme humaine, la partie supérieure et divine de son être. Et qu’est-ce qui le prouve mieux que le désir immodéré de l’estime de ses semblables ? C’est dans leur âme qu’il veut avoir une place honorable. Mais respectant l’âme humaine dans l’âme de ses semblables, il ne la respecte pas dans la sienne ; car, satisfait des qualités dont il a paré sa fausse image, il se soucie beaucoup moins de revêtir de ces mêmes qualités son propre être.

« Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et à conserver cet être imaginaire, et nous négligeons le véritable ; et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination : nous les détacherions plutôt de nous pour les y joindre, et nous serions volontiers poltrons pour acquérir la