Page:Viollet-le-Duc, Histoire d une maison, 1873.djvu/18

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déroulant le vélin ; mais ton cousin arrive demain et, mieux que moi, il pourra critiquer ton projet. »

Toute la nuit M. Paul fut fort agité. Il rêva palais, s’élevant sous sa direction. Mais à sa bâtisse il manquait toujours quelque chose. Là, les fenêtres faisaient absolument défaut ; ailleurs, l’escalier n’était qu’une échelle branlante et sa sœur Marie ne voulait pas y monter. Plus loin, les plafonds étaient si bas qu’on ne pouvait se tenir debout, tandis que d’autres étaient si hauts que cela lui faisait peur. Le père Branchu riait et remuait les murs avec sa main pour montrer qu’ils n’étaient point solides. Les cheminées fumaient horriblement, et la petite sœur demandait impérieusement une chambre pour sa poupée.

M. Paul avait revu son projet aussitôt levé et il lui paraissait beaucoup moins bon que la veille ; il rougissait à l’idée de le montrer au grand cousin qui arrivait pour l’heure du déjeuner ; il hésitait et songeait à détruire ce travail assidu de toute une journée.

« Père, je crois que mon cousin se moquera de moi si je lui montre mon dessin.

— Mon ami, répliqua M. de Gandelau, quand on a faitce qu’on peut, du mieux que l’on peut, il ne faut pas reculer devant la critique, c’est le seul moyen de constater l’insuffisance de ce que l’on sait, et par conséquent d’acquérir les connaissances qui nous manquent. Si tu croyais en une matinée être devenu architecte, tu serais un sot ; mais si, après avoir fait un effort pour exprimer par le dessin ou autrement une idée que tu crois bonne, tu hésitais à soumettre cette expression à plus habile que toi, dans la crainte de provoquer plus de critiques que d’éloges, ce ne serait pas là de la modestie, mais un sentiment d’orgueil très-mal placé, car il te priverait de conseils qui ne peuvent être que précieux, à ton âge surtout. »

Le grand cousin arrivé, il n’en fallut pas moins que M. de