Page:Viollet-le-Duc, Histoire d une maison, 1873.djvu/19

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Gandelau dit à son fils d’apporter son essai, pour que l’architecte en herbe se décidât à dérouler de nouveau la feuille de papier couverte, la veille, de dessins si péniblement tracés.

« Eh mais, petit cousin, dit le nouveau venu, est-ce que vous voudriez vous faire architecte ? Prenez garde ! tout n’est pas couleur de rose dans le métier comme sur votre papier. »

En peu de mots le grand cousin fut mis au fait,

« Mais cela est très-bien, voilà le salon, le vestibule. Je ne comprends pas bien l’escalier, mais c’est un détail. Et les façades ? Mais c’est un palais cela ; des colonnes, des balustrades. Il n’y a plus qu’à mettre la main à l’œuvre !

— Vrai ! cousin ; si nous prévenions le père Branchu, il travaille ici près ?

— Doucement, ce n’est là qu’une esquisse… Et les projets définitifs ; et les devis ; et les détails d’exécution ? Il faut procéder avec ordre. Sachez, petit cousin, que plus on tient à ce qu’une construction s’élève rapidement, plus il est utile que toute chose soit parfaitement arrêtée à l’avance. Rappelez-vous les ennuis de votre voisin le comte de…, qui depuis six ans recommence son château chaque printemps sans pouvoir arriver à le terminer, parce qu’il n’a pas su d’abord indiquer tout ce qu’il voulait, que son architecte n’a pas eu le courage de faire adopter une bonne fois un projet étudié, et qu’il s’est prêté à tous les caprices ou plutôt à tous les avis officieux que les amis de la maison ne manquaient pas d’ouvrir, celui-ci sur la dimension des pièces, celui-là sur l’emplacement des escaliers, cet autre sur le style, sur la décoration. Nous n’avons qu’un an devant nous, il faut donc ne commencer qu’avec la certitude de ne pas faire de fausses manœuvres, puis il faut que votre sœur approuve le projet. Voyons un peu, convenons d’abord du système de construction que vous voudrez adopter. Puisque