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les tours sont barlongues ou carrées, mais hautes, épaisses et bien munies à leur sommet d’échauguettes saillantes flanquant les quatre faces ; le donjon est également flanqué aux angles de quatre tournelles ; les distances entre les tours sont égales ; celles-ci sont fermées et peuvent se défendre séparément[1]. Le château de Vincennes fut commencé par Philippe de Valois et achevé par Charles V, sauf la chapelle, qui ne fut terminée que sous François Ier et Henri II.

Le système féodal était essentiellement propre à la défense et à l’attaque des places ; à la défense, en ce que les seigneurs et leurs hommes vivaient continuellement dans ces forteresses qui protégeaient leur vie et leur avoir, ne songeaient qu’à les améliorer et les rendre plus redoutables chaque jour, afin de pouvoir défier l’ambition de leurs voisins ou imposer des conditions à leur suzerain. À l’attaque, en ce que, pour s’emparer d’une forteresse alors, il fallait en venir aux mains chaque jour, disposer par conséquent de troupes d’élite, braves, et que la vigueur et la hardiesse faisaient plus que le nombre des assaillants, ou les combinaisons savantes de l’attaque. Les perfectionnements dans l’art de défendre et d’attaquer les places fortes étaient déjà très-développés en France, alors que l’art de la guerre de campagne était resté stationnaire. La France possédait des troupes d’élite excellentes composées d’hommes habitués aux armes dès leur enfance, braves jusqu’à la témérité, et elle n’avait pas d’armées ; son infanterie ne se composait que de soudoyers gênois, brabançons, allemands, et de troupes irrégulières des bonnes villes, mal armées, n’ayant aucune notion des manœuvres, indisciplinées, plus embarrassantes qu’utiles dans une action. Ces troupes se débandaient au premier choc, se précipitaient sur les réserves et mettaient le désordre dans les escadrons de gendarmerie[2]. Le passage

    les mots Château, Donjon. En E sont les deux seules entrées de l’enceinte qui étaient défendues par des ouvrages avancés et deux hautes tours barlongues ; en A est le donjon entouré d’un mur d’enceinte particulier, d’une chemise B. Un très-large fossé revêtu C protége ce donjon. En K sont les fossés de l’enceinte, dont la contrescarpe est également revêtue et l’a toujours été. F est la chapelle et G le trésor ; D le pont qui donne accès au donjon, H et I des logements et écuries (voy. Vues des maisons royales et villes, Israël Sylvestre, in-fo. Nous n’avons extrait du plan donné par Israël que les constructions antérieures au XVIe siècle ; il devait, pendant les XIVe et XVe siècles, en exister beaucoup d’autres, mais nous n’en connaissons plus ni la place ni la forme).

  1. Le petit côté du parallélogramme de l’enceinte, compris la saillie des tours, a 212 mètres.
  2. « Il n’est nul home, tant fut présent à celle journée, ni eut bon loisir d’aviser et imaginer toute la besogne ainsi qu’elle alla, qui en sçut ni put imaginer, ni recorder la vérité, espécialement de la partie des François, tant y eut povre arroy et ordonnance eu leurs conrois ; et ce que j’en sais, je l’ai sçu le plus par les Anglois, qui imaginèrent bien leur convenant, et aussi par les gens de messire Iean de Haynaut, qui fut toujours de-lez le roy de France. Les Anglois qui ordonnés étoient en trois batailles, et qui séoient jus à terre tout bellement, sitôt qu’ils