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l’ensablement de son port. Là cathédrale resta inachevée ; les transsepts ne furent même pas élevés[1]. La construction de ce vaste chœur est admirablement traitée, par un homme savant et connaissant parfaitement toutes les ressources de son art. Il semble même qu’on ait voulu, avant tout, à Narbonne, faire preuve de savoir. Les chapiteaux des piles sont complétement dépourvus de sculpture ; le triforium est d’une simplicité rare ; mais, en revanche, l’agencement des arcs, les pénétrations des moulures, les profils, sont exécutés avec une perfection qui ne le cède à aucun de nos édifices du nord. Les voûtes sont admirablement appareillées et construites. Celles des chapelles et des bas-côtés qui reçoivent, comme à Limoges et à Clermont, un dallage presque horizontal, ont 0m,40 d’épaisseur et sont maçonnées en pierres dures. L’ensemble de la construction, bien pondéré, dont les poussées et les buttées sont calculées avec une adresse incomparable, n’a pas fait le moindre mouvement ; les piles sont restées parfaitement verticales. L’architecte, afin de ne pas affaiblir ses points d’appui principaux par les passages des galeries, a fait tourner le mur extérieur du triforium autour des piles (voy. Architecture Religieuse, fig. 38). Cette même disposition se retrouve également à la cathédrale de Limoges. Mais outre la grandeur de son plan, ce qui donne à la cathédrale de Narbonne un aspect particulier, c’est la double ceinture de créneaux qui remplace les balustrades sur les chapelles, et qui réunit les culées des arcs-boutants terminées en forme de tourelles (voy. Arc-boutant, fig. 65). C’est qu’en effet cette abside se reliait aux fortifications de l’archevêché et contribuait, du côté du nord, à la défense de ce palais (voy. Évêché). C’était, dans les villes du Midi, un usage fréquent de fortifier les cathédrales. Celle de Béziers, outre ses fortifications de la fin du XIIIe siècle, laisse voir encore des traces nombreuses de ses fortifications du XIIe. La partie de la cathédrale de Carcassonne qui date du XIe siècle se reliait aux fortifications de la cité.

Au XIVe siècle, nous voyons encore les archevêques d’Alby élever une cathédrale qui présente tous les caractères d’une forteresse. Ce fait n’a rien d’extraordinaire, quand on se rappelle les guerres féodales, religieuses et politiques qui ne cessèrent de bouleverser le Languedoc pendant les XIIe, XIIIe et XIVe siècles. Pour en revenir à la cathédrale de Narbonne, on remarquera la disposition neuve et originale des chapelles nord du chœur, laissant entre elles et le collatéral un étroit bas-côté qui produit un grand effet, en donnant à la construction beaucoup de légèreté, sans rien ôter de la solidité. Il est vraisemblable que cette disposition devait être adoptée

  1. L’un des archevêques de Narbonne, pendant le dernier siècle, voulut reprendre cette construction et élever l’église au moins jusqu’à la première travée en avant des transsepts ; l’entreprise fut bientôt suspendue ; les constructions, reprises de nouveau il y a quinze ans, n’ont fait qu’ajouter quelques assises à celles laissées en attente à la fin du XVIIIe siècle. Dans notre plan, la teinte grise indique les constructions dernières, et le trait le projet probable.