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On observera encore, à ce sujet, combien les architectes du moyen âge apportent de variété dans l’ensemble comme dans les détails de leurs conceptions. Leurs méthodes souples leur donnent toujours des moyens neufs lorsqu’il s’agit de satisfaire à un besoin, de remplir les diverses parties d’un programme.

Galeries de service des palais. On établissait souvent, dans les châteaux et palais du moyen âge, des galeries de service donnant sur les pièces principales (voy. Construction, fig. 119 et 120). Ces galeries desservaient un ou plusieurs étages. Au sommet des bâtiments fortifiés des XIVe et XVe siècles, elles devenaient des chemins de ronde propres à la défense et étaient munies alors de mâchicoulis (voy. Château, Donjon, Mâchicoulis). Nous voyons dans quelques châteaux les restes de ces galeries de service ; elles sont quelquefois prises dans l’épaisseur même des murs, passent à travers des contre-forts, comme dans l’exemple cité ci-dessus (fig. 120, Construction), ou sont portées sur des encorbellements.

Dans le bâtiment méridional du palais des Papes à Avignon, du côté de la cour, on trouve encore une jolie galerie, du XIVe siècle, qui donnait entrée dans les salles du second étage. Nous reproduisons (10) la coupe transversale de cette galerie voûtée en arcs d’ogives et éclairée par de petites fenêtres ouvrant sur la cour. Le dessus de cette galerie servait de chemin de ronde découvert, crénelé et décoré de pinacles.

Ces sortes de galeries de service aboutissaient à des escaliers et se combinaient avec ceux-ci. Vers la fin du XIVe siècle, on augmenta la largeur de ces couloirs, et on arriva, à la fin du XVe siècle, à en faire de véritables promenoirs. Cet usage fut adopté définitivement au XVIe siècle, comme on peut le voir aux châteaux de Blois, de Fontainebleau (galerie de François Ier), de Chambord, etc. Alors on les enrichit de peintures, de sculptures, on les garnit de bancs. Les galeries remplacèrent ainsi fort souvent la grand’salle du château féodal.

Sauval rapporte[1] « qu’en 1432 le duc de Bethfort fit faire, au palais des Tournelles, une galerie longue de dix-huit toises et large de deux et demie : on la nomme la gallerie des Courges, parce qu’il la fit peindre de courges vertes ; elle étoit terminée d’un comble peint de ses armes et de ses devises, couverte de tuiles assises à mortier de chaux et ciment, et environnée de six bannières rehaussées de ses armoiries et de celles de sa femme. Mais dans les siècles passés, ajoute cet auteur, il n’y en a point eu de plus magnifique que celle qu’acheva Charles V dans l’appartement de la reine à l’hôtel Saint-Pol. » Cette galerie était peinte depuis le lambris jusqu’à la voûte, de façon à représenter un bosquet tout rempli de plantes, d’arbres fruitiers, de fleurs, parmi lesquels se jouaient des enfants ; la voûte était blanc et azur. « Outre cela, continue Sauval, le roi Charles V fit peindre encore une petite allée par où passoit la reine pour venir à son oratoire de l’église Saint-Paul. Là, de côté et

  1. Hist. et Antiq. de la ville de Paris. T. II, p. 281.