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les postes établis entre la ville et le château Narbonnais ; du côté de Saint-Sernin, contre l’extrémité de la contrevallation.

Les Français perdent du terrain et abandonnent l’attaque des murs pour se mettre en bataille en plaine. Le comte de Montfort, qui reconnaît le péril et qui voit étendre démesurément sa ligne de bataille, craint d’être coupé ; il donne l’ordre de concentrer soixante mille combattants, se met à leur tête, et fait une charge terrible qui ramène les assiégés jusqu’à leurs défenses. Mais là les projectiles lancés de la ville arrêtent la furie des Français ; les archers et frondeurs toulousains, aguerris, se répandent en tirailleurs sur les flancs de la colonne d’attaque du comte Simon, démontent les cavaliers, et jettent la confusion dans cette agglomération. Le frère du comte est blessé grièvement, et, pendant que Simon de Montfort descend de cheval pour lui porter secours, il est lui-même frappé d’une pierre qui lui brise le crâne. Cette pierre, dit le chroniqueur, avait été lancée par une pierrière tendue par des femmes près de Saint-Sernin. Peu de jours après, une nouvelle attaque ayant encore été tentée sans succès, le siège est levé (1218).

Les restes du comte Simon de Montfort furent transportés à Carcassonne sitôt après la levée du siège et déposés dans l’église cathédrale de Saint-Nazaire. On a retrouvé dans cette église, rebâtie en grande partie au commencement du XIVe siècle, un bas-relief taillé dans le grès du pays, d’un travail très-grossier, qui provient peut-être du tombeau du comte, et qui représente la dernière phase du siège de Toulouse. Les armes et les vêtements des personnages appartiennent d’ailleurs aux premières années du XIIIe siècle. Devant un édifice muni de tours et de créneaux, on voit se développer deux rangs de palissades. Le palis intérieur est composé de pieux serrés les uns contre les autres ; tandis que la défense extérieure est composée de bois entrelacés. Entre ces deux obstacles s’étendent les lices, et le combat a lieu dans cet espace. De part et d’autre, les chevaliers plantent leurs bannières, et la mêlée s’engage autour d’eux. Au-dessous de l’édifice fortifié, dont la courtine est décorée de colonnes, est sculptée une pierrière fort curieuse dont nous présentons (fig. 1) la copie. La verge de la pierrière est renforcée dans sa partie inférieure par deux contre-fiches, et les trois pièces de bois, leur base, sont serrées entre de larges moises, qui probablement sont de métal pesant. Six anneaux, auxquels sont attachés six cordages, sont fixés à cette base. Les trois brins composant la verge sont encore maintenus par une embrasse possédant des tourillons qui roulent dans la tête de deux poteaux latéraux munis de croix de Saint-André et de contre-fiches. Six personnes, parmi lesquelles on peut voir deux femmes, tirent sur les cordages. Au-dessus des personnages est un plancher. Un servant posté sur ce plancher place une pierre ronde dans la poche de fronde de l’engin. Nous avons présenté, à l’article Engin (fig. 13 et 14), une machine analogue à celle-ci.

L’édifice crénelé que le bas-relief montre au-dessus de l’engin est