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Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/219

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[transsept]
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de Vignory (Haute-Marne), dont la construction remonte au Xe siècle[1], Dans l’église abbatiale de Saint-Savin, près de Poitiers, qui date du XIe siècle, un transsept très-accusé sépare la nef du sanctuaire[2].

Toutefois le transsept ne se manifeste pas de la même manière et en même temps dans les écoles diverses d’architecture religieuse de l’ancienne Gaule. S’il semble inhérent au plan de l’église des provinces méridionales, il n’apparaît que plus tard et d’une manière moins franche dans les provinces du Nord. Quant aux églises abbatiales, les plus anciennes, elles sont toujours pourvues de transsepts étendus. Cette disposition était commandée impérieusement par le service religieux des moines bénédictins, et elle fut suivie par les cisterciens dans les constructions qu’ils élevèrent au XIIe siècle. L’abbaye de Cluny possédait même deux vastes transsepts séparés seulement par deux travées de nefs[3].

Avant l’adoption absolue des voûtes dans la structure des églises, la disposition des transsepts présentait déjà aux architectes de sérieuses difficultés ; car, s’il est facile de poser des fermes de comble sur les murs parallèles d’une nef, il est moins aisé de couvrir en charpente un espace carré en ne disposant que des angles comme points d’appui. Aussi, dans les basiliques les plus anciennes pourvues de transsepts, ou les murs de ces transsepts s’élèvent au-dessus de ceux de la nef haute, et la charpente repose alors sur des arcs-doubleaux qui franchissent la largeur de la nef ; ou au contraire les murs de la croisée sont plus bas que ceux de la nef, et c’est la charpente de celle-ci qui repose sur des arcs franchissant la largeur du transsept. Quelquefois aussi quatre arcs-doubleaux sont bandés à l’intersection de la nef avec le transsept ; sur ces arcs s’élève une sorte de tour carrée qui possède sa charpente spéciale avec deux pignons. Cette disposition est adoptée, par exemple, dans l’église conventuelle de Montreale, près de Palerme[4], et dans la cathédrale de Cefalù (Sicile), bâties toutes deux sous la domination normande, au XIIe siècle. Il y a tout lieu de croire que les églises construites en France, dans le Nord et particulièrement en Normandie, au XIe siècle, présentaient cette disposition. Des voûtes ayant remplacé, dans ces édifices, toutes les charpentes apparentes, pendant les XIIe et XIIIe siècles, on ne peut à cet égard que fournir des présomptions ; mais la voûte centrale du transsept normand, formant lanterne, semble être une tradition de la charpente relevée que nous trouvons encore à Cefalù et à Montreale, près de Palerme.

Mais c’est (nous l’avons déjà dit) dans les églises monastiques des Gaules que nous voyons le transsept s’accuser franchement dès une

  1. Voyez Architecture Religieuse, fig. 2.
  2. Voyez ibidem, fig. 11.
  3. Voyez Architecture Monastique, fig. 2.
  4. Voyez l’ouvrage du duc de Serradifalco : Del duomo di Montreale. Palerme, 1838.