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il ne reste pas un grand nombre de ces vitraux bourguignons du XIIIe siècle, car les verrières de la cathédrale d’Auxerre n’appartiennent pas franchement à cette école, et se rapprochent plutôt de la facture champenoise. Disons aussi que dans les vitraux d’un même édifice et d’une même époque, on observe le travail de mains très-différentes. Des artistes vieux et des jeunes travaillaient en même temps, et si les jeunes introduisaient dans ces ouvrages une exécution avancée, nouvelle, les peintres appartenant aux écoles du passé continuaient à employer leurs procédés. C’est ainsi, par exemple, qu’à la sainte Chapelle de Paris, on signale des panneaux qui ont encore conservé des traces de la facture du commencement du XIIIe siècle. Peut-être au XIIe siècle fabriquait-on des vitraux de pacotille d’une exécution hâtive et négligée. De ces sortes de vitraux il ne reste pas trace. Il est vrai que les verrières de cette époque qui sont conservées furent replacées au XIIIe siècle ou laissées en place exceptionnellement[1], ce qui ferait supposer que cette conservation est due à leur perfection, tandis que les œuvres d’un ordre inférieur auraient été remplacées. Toujours est-il que nous ne connaissons du XIIe siècle que des vitraux d’une beauté incomparable, soit comme choix de verre, soit comme composition ou exécution des sujets d’ornements, soit comme mise en plomb ; on n’en peut dire autant des vitraux fabriqués pendant le XIIIe siècle, et surtout de ceux qui appartiennent à la seconde moitié de ce siècle. Leur harmonie n’est pas toujours heureuse, leur composition est souvent négligée et l’exécution défectueuse ; les verres peints sont irrégulièrement cuits et grossièrement mis en plomb. Ces négligences s’expliquent, si l’on a égard à la quantité prodigieuse des vitraux demandés alors aux peintres verriers.

Il ne faut pas croire d’ailleurs que ce procédé décoratif fût obtenu à bas prix, les vitraux devaient coûter fort cher. Telle corporation réunissait des ressources pour fournir une verrière[2], et généralement ces verrières données par un corps de métier sont les plus belles comme exécution parmi celles qui décorent les fenêtres de nos grandes cathédrales. Un prince donnait une verrière, ou un chanoine, ou un abbé. C’étaient donc là des objets de prix. La valeur de la matière première était considérable, et l’on attachait beaucoup d’importance, non sans raison, à la bonne qualité et à la beauté des verres. La mise en plomb devait naturellement atteindre des prix élevés. Les plombs étaient obtenus, non à la filière, comme on les obtient aujourd’hui, mais au rabot, ce qui exigeait beaucoup de temps et de soin. Or, quand on suppute la quantité de mètres linéaires de plombs qui entrent dans un panneau de vitrail légendaire, par exemple, on reconnaît qu’il y a là, comme matière et main-d’œuvre, une valeur assez considérable. Aujour-

  1. Comme, par exemple, dans les chapelles absidales de l’église abbatiale de Saint-Denis, dans les cathédrales du Mans, de Bourges et de Chartres.
  2. Aux cathédrales de Chartres, de Bourges, de Tours, d’Auxerre, de Troyes.