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criquet

— Dis donc, Jacques, je crois que si Suzanne avait deviné que tu serais ici…

Mais Jacques s’est déjà retourné vers la jeune femme. Il prend l’éventail suspendu par un ruban au poignet mince, l’ouvre, regarde au travers, s’évente et rit d’un air câlin. Il ne tient pas à savoir ce que Suzanne aurait dit ou fait. L’aurait-il déjà oubliée ? Comme il pleurait pour elle, il y a quelques mois !

Déçue, Camille retourne vers son coin, se blottit dans l’angle de la porte.

« Tout est changé, pense-t-elle, moi comme les autres. »

Les lanciers, de nouveau ! Cette journée ne finira donc jamais !

Quatre couples se sont formés, et, debout près de Camille, attendent. Les jeunes gens passent la main dans leurs cheveux, essuient les verres de leur lorgnon, se dandinent en regardant avec inquiétude du côté du pianiste : les demoiselles remontent leurs gants et piétinent d’un air mutin.

La première phrase du quadrille égrène enfin ses notes lentes et maniérées ; les visages se détendent, les jeunes gens s’inclinent, les jeunes filles se suspendent à leur bras arrondi, et les groupes s’ébranlent, tournant en cercle d’un pas solennel et rythmé.

Qu’ils sont grotesques ! Il y a un petit homme tout rond, tout rouge et tout suant, que sa longue danseuse tient dédaigneusement à distance, d’un coude pointu ;