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criquet

cils avec surprise puis, prenant son binocle dans la poche de son gilet, il l’essuya machinalement et le posa sur son nez, comme pour résoudre un problème.

— Allons, marche ! fit-il enfin, en tapotant affectueusement le béret rouge. Explique-toi.

Criquet sauta sur un talus, cueillit un brin de chèvrefeuille, en aspira la rosée odorante tout en méditant, puis reprit :

— Je t’ai souvent entendu dire, papa, que si l’on contrarie la vocation des gens, ils ne font rien de bon dans la vie… Eh bien, moi, je n’ai pas l’ombre de dispositions pour être femme…

— Vraiment ? tu as trouvé ça ?

— Ne m’interromps pas, si tu peux… D’abord une fille doit être jolie, et moi je suis laide…

M. Dayrolles se pencha, considérant sa fille d’un air critique :

— Pas tant que ça, Criquet, dit-il, encourageant.

— Si, si, il y a longtemps que je le sais : tiens, depuis mon premier livre, les Malheurs de Sophie. Elle me ressemble tout à fait, Sophie : un nez retroussé, une grande bouche, des yeux verts… Oh ! ces yeux ! Me l’a-t-on assez répété : « Les yeux verts, Ça va en enfer. »

— Laisse dire, va ; ils ne me déplaisent pas, tes yeux…

— Parce que tu m’aimes. Mais les dames en visite auprès de maman, je les ai entendues : « Que votre