Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ayez pitié de moi ! Épousez-moi ! Je jure de vivre à vos pieds, etc. » J’en étais excédée. Avant qu’il partît pour l’Allemagne avec le titre de généralissime et une dotation de 40 000 écus par an — un joli denier ! — je lui annonçai que j’allais le proposer au Parlement comme mon successeur et mon héritier. Ce que je fis…

— Il n’en continua pas moins à protester de son amour avec une ardeur et une constance qui n’étaient pas sans m’émouvoir. Il me confia que si vous l’acceptiez pour époux, il se contenterait de pain sec.

— Des mots, des mots !… D’après les lois de la nature, je devais, en effet, lui survivre. Il me demanda même, montrant ainsi le bout de l’oreille, ce qu’il adviendrait de lui si je tombais amoureuse d’un autre et l’épousais ? Et c’est seulement lorsque je lui confiai que sans doute quitterais-je le trône avant ma fin naturelle qu’il se rasséréna… Bref, il se décida à s’embarquer, prince héritier, avec quinze navires de guerre, dans le grondement des coups de canon. Et j’en fus débarrassée, pour quelques années au moins…

— Avouez, Christine, qu’en Allemagne il vous avait conquis des lauriers qui amenèrent la fin de cette longue guerre et permirent une paix glorieuse.

— Tu eus toujours un faible pour Charles-Gustave et il ne l’ignore pas. À l’inverse de Magnus, sa faveur t’est acquise à toi et à ton époux… Mais à la place de Jacob, je me méfierais !

Et Christine menaça gaiement Ebba du doigt. Celle-ci joignit les mains et s’écria :

— Nous ne souhaitons nulle autre faveur, Jacob et moi, mon amie, que de demeurer sur nos terres et d’y jalousement cacher notre bonheur ! Vous partie, la Cour ne me reverra plus !

— Ah ! Ebba, tu as pris la meilleure part. Un mari que tu aimes et qui t’aime, des enfants aussi beaux que toi, voilà le bonheur qui n’est pas permis à ton infortunée Christine… Quant à ce traité de Westphalie, signé à la fin de 1648, il m’a coûté de grands efforts et beaucoup de travail. Peut-être si j’avais été roi et chef d’armée, comme mon père, aurais-je été tentée de continuer à batailler pour obtenir à mon pays un substantiel agrandissement territorial. Mais,