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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

oiseau, pour vous poser sur le trône. Vous m’avez tendu votre petite main à baiser avec autant de gentillesse et de fierté que si vous l’aviez fait dès le berceau… Depuis, nous vous avons servie comme nous avions servi votre père, avec plus d’amour et de dévouement parce que vous êtes femme… Pourquoi donc voulez-vous nous abandonner ? Mille diables, Mademoiselle, voilà qui ne vous portera pas bonheur !

Christine ne répondît que par un triste sourire incertain et posant le sceptre sur la table d’argent, elle lui tendit les doigts.

Le bonhomme hésitait à les prendre. Puis brusquement il abattit sa patte sur le poignet fragile, l’embrassa à pleine barbe et, rajustant sa peau d’ours à travers ses épaules, tourna le dos pour se moucher entre ses doigts.

— Ma parole ! Ce vieil ours des montagnes serait près de me tirer des larmes ! fit d’une lèvre dédaigneuse l’élégant Monaldeschi.

— Dommage qu’il n’ait pas de mouchoir ! ajouta Sentinelli en riant.

— Tu oublies que, malgré la beauté d’Ebba, ton lys rose, nous sommes ici dans un pays de sauvages !

Cependant les dignitaires s’approchaient de Christine, qui se leva et se tint fière et droite. De leurs mains tendres et respectueuses, ils lui prirent le sceptre puis le globe royal. Per Brahe auquel revenait l’honneur de lui ôter la couronne, ébaucha le geste, mais ses bras impuissants retombèrent à ses côtés.

— Je ne peux pas ! gémit-il.

— La voici, mon père, fit Christine avec douceur, en enlevant le diadème de son front et le lui tendant.

Enfin, on lui arracha le grand manteau de velours bleu à palmes d’or que les seigneurs mirent aussitôt en pièces et se partagèrent comme des reliques.

Alors, ainsi dépouillée des insignes de la royauté et des joyaux de la couronne, toute simple dans la robe de satin blanc qui libérait son long cou robuste et moulait son corps svelte, toujours très pâle, mais souriante sous ses cheveux bouclés en auréole, Christine, d’idole