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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Elle fait bien sa mijaurée cette jeune reine en rupture de ban ! fit Monaldeschi d’un accent gouailleur. Sais-tu ce qu’il lui faudrait pour abattre cette superbe ?

— Quoi ?

— Un grand amour ou même un amour tout court. Crois-en mon expérience qui n’est pas mince : la belle demoiselle que voici est encore vierge…

— À vingt-sept ans et libre ? Allons donc ! Crois-tu qu’elle t’ait attendu pour sauter le pas ?

— Pourquoi non ?

Les deux lurons éclatèrent de rire. Ce qui fit retourner vers eux des têtes offusquées.

Après une pause, la voix tremblante, se raidissant pour ne point chanceler, Christine continua d’une voix plus profonde :

— Vous gardez, Messieurs, le meilleur de moi-même, mon enfance que vous avez protégée, ma jeunesse que vous avez dirigée, tous mes souvenirs les plus chers, depuis les jours lointains où mon père bien-aimé, que Dieu ait en sa sainte garde, me confiait à votre sagesse et à votre amour… Merci à tous ! N’oubliez pas tout à fait celle qui fut votre reine et qui reste votre amie…

Et se tournant vers le vieux chancelier Oxenstiern, vers le non moins vieux Per Brahe dont les épaules étaient secouées de sanglots :

— … Qui reste votre enfant, Messeigneurs…

puis vers Mathiae, figé par l’émotion :

— … Qui sera toujours votre élève reconnaissante, cher Maître aimé…

Beaucoup des assistants fondirent en larmes. On entendit des murmures étouffés, des protestations, des gémissements, quelques cris :

— Ne t’en va pas !

— Tu ne veux plus être notre reine, mais reste avec nous !

— Jamais nous n’aimerons Charles comme nous t’avons aimée !

C’est à peine si on put distinguer les remerciements prononcés au nom des quatre États par le conseiller Schering Rosenhane.

Christine, les yeux pleins de larmes, descendit ensuite lentement