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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

les marches de l’estrade. Elle tendit la main aux chefs des quatre États, qui s’inclinèrent profondément. Sauf celui des paysans, le vieux Larsson qui d’un mouvement convulsif serra la reine sur sa poitrine haletante. C’est ainsi qu’elle reçut le baiser d’adieu de la terre dont elle était issue.

Allant alors vers le prince Charles-Gustave, et lui souriant avec douceur :

— Mon bon cousin, qui êtes désormais mon roi, je sais que vous comprenez la grandeur de la tâche qui vous incombe ainsi que le poids des responsabilités que je charge sur vos épaules. Vous connaissez le glorieux passé de la couronne suédoise, j’espère que vous serez le digne successeur des rois illustres qui furent des héros sans tache.

« Mieux que la faible femme qui vous laisse son trône, vous saurez conduire votre peuple à la bataille, à la victoire, vous saurez même, comme Gustave-Adolphe, faire, s’il le faut, le sacrifice de votre vie… Vous avez le courage physique et moral, la générosité, un jugement sûr et éclairé, le sentiment de la justice. Je ne pouvais remettre mon peuple et mon pays en des mains plus dignes. D’autre part, je sais également que vous serez admirablement secondé par ces États, par ces conseillers dont j’ai pu éprouver le dévouement et la sagesse et qui sont les soutiens les plus fidèles, les plus éclairés du pouvoir royal.

« Quant à moi, je vous confie ce que j’ai de plus cher, ma mère, la reine Marie-Éléonore, que je laisse en votre garde. Et la première, je tiens à me dire l’humble sujette de mon roi et seigneur Charles X de Suède !

Elle esquissait une révérence quand il la releva et mettant un genou en terre lui baisa la main.

— Je crois que, moi aussi, je vais y aller de ma larme ! murmura le marquis italien.

L’émotion du prince était si grande que personne n’entendit les quelques paroles balbutiées par ses grosses lèvres tremblantes. Il promit de veiller sur la mère, sur la fortune de Christine et lui jura « avec son filial respect une gratitude éternelle pour les bienfaits qu’il a reçus d’elle ».