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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

On n’insista point. Car le Conseil, la Diète, le peuple se déclaraient également hostiles à une alliance avec l’ennemi héréditaire de la Suède et des Vasa. Bon voyage, Messieurs les Danois !

Il y eut ensuite le jeune Électeur de Brandebourg auquel Gustave-Adolphe avait, paraît-il, naguère pensé. Mais il était calviniste.

— Un calviniste épouser une luthérienne ? dit Christine. Vous voyez d’ici la levée vers le ciel de toutes les manches noires des docteurs en théologie et le scandale à travers le pays !

Plus tard vinrent encore le roi d’Espagne Philippe IV, et le roi Jean de Portugal.

C’était là, certes, d’illustres prétendants. Quand on lui en parla, Christine se récria :

— Des catholiques ! Vous n’y pensez pas ! Et quelles drôles de mœurs ont ces gens-là. Si je tombais de cheval, devrais-je expirer sans aucun secours ? Vous savez que nul ne doit toucher à la reine d’Espagne sans être puni de mort. Grand merci !

Puis il y eut Wadislas et, après sa mort, Jean-Casimir de Pologne. Enfin le fils de l’Empereur Ferdinand lui-même eut l’idée, assez naturelle, de récupérer par une sage politique matrimoniale ce qu’un destin malheureux lui avait fait perdre. Quelle kyrielle !

Par bonheur, tous ces prétendants et chacun d’eux avaient des adversaires dans le pays et, avant tout, Axel Oxenstiern qui semblait préférer un Suédois. « Son fils », chuchotaient les mauvaises langues.

— Pas de catholiques ! déclarait donc le Chancelier.

— Pas d’étrangers, murmuraient les nobles du royaume, qui craignaient de se voir enlever charges et prébendes.

— Non, pas d’étrangers ! renchérissait le peuple. Pas d’hommes qui ne connaissent ni notre langue ni nos coutumes !

Christine laissait dire en riant sous cape.

Quand on lui présentait une de ces miniatures soigneusement retouchées où, l’air godiche, souriait un prince charmant et chamarré, elle riait plus fort encore.

— Alors ce beau seigneur me trouve toutes les grâces et veut faire de moi la compagne de sa vie, sans m’avoir jamais vue ? Et il trouverait tout naturel que je couche comme ça, dans le lit d’un inconnu, et jusqu’à ma mort ?