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Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/79

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XI


Près de sept ans auparavant, pendant l’hiver 1646…

Une de ces journées de décembre à la clarté limpide où les objets prennent un éclat et un charme dont rien, ailleurs que dans les pays du Nord, ne saurait donner l’idée. Bien qu’il ne fût guère plus de deux heures de l’après-midi, les ombres transparentes des cimes neigeuses s’allongeaient déjà sur la surface glacée du lac Moelar, d’un dur bleu d’acier.

Au fond, s’élevait une vaste enceinte de murailles, avec leurs tours trapues coiffées de coupoles dont le cuivre luisait dans les intervalles de la neige, et que crêtaient d’immenses flèches dorées.

C’était le château de Gripsholm, vieille citadelle qu’avait habitée Gustave Vasa, fondateur de la dynastie suédoise, et où Marie-Éléonore avait fait un séjour avant son équipée danoise.

Quelques patineurs décrivaient de gracieuses arabesques sur le lac, en face du château. Poussé par un adolescent, svelte en dépit de son épais justaucorps de fourrure, un traîneau volait sur la glace, laissant derrière lui un lumineux sillage. Ebba Sparre y était blottie dans des coussins d’eiderdown comme un cygne dans son nid. Son visage était rose de plaisir et de froid et de sa ronde bouche entr’ouverte s’échappaient tour à tour de petits cris d’effroi et des rires de cristal.