Page:Virgile - Géorgiques, traduction Desportes, 1846, 1.djvu/44

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guérêts, et qu’un suc laiteux gonfle déjà le grain dans sa verte enveloppe ? Souvent, au moment où le laboureur livrait à la faucille des moissonneurs les jaunes épis de ses champs, quand déjà tombait sous le fer leur frêle chalumeau, j’ai vu les vents déchaînés s’entrechoquer en d’horribles combats, déraciner au loin les riches moissons, enlever dans les airs l’épi chargé de grains, et emporter dans de noirs tourbillons le chaume léger et la paille voltigeante. Souvent aussi j’ai vu s’amonceler dans le ciel d’affreux nuages couvant dans leurs flancs ténébreux la tempête et les pluies accumulées. Tout à coup l’éther se fond en eaux, noie de ses torrents les moissons riantes, doux fruits des longs travaux de l’homme et de ses bœufs. Les fossés sont remplis, les fleuves au lit profond débordentavec fracas, et la mer en fureur bouillonne dans ses abîmes. Du sein de la nue ténébreuse le bras étincelant du maître des dieux fait retentir la foudre : la terre tremble au loin ébranlée ; les animaux ont pris la fuite, et les cœurs des mortels s’humilient dans une sainte épou-