Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/160

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Il m’a fallu beaucoup de simplicité pour arriver jusqu’à moi-même. Les premiers temps de mon séjour ici, trop de pensées disparates s’étaient accumulées en mon esprit pour me permettre d’être seul.

Tandis que j’errais dans la campagne, m’appliquant à vivre les phénomènes environnants, à goûter la nature sans réflexion, des nuages de souvenirs s’interposaient entre le réel et ma conscience qui sont pourtant un seul être.

Je m’asseyais au bord du Drac, décidé à m’absorber dans la contemplation des eaux bourbeuses du torrent et à pousser cette vision pittoresque jusqu’au sentiment pur. Or soudain je me surprenais en train de spéculer, d’assembler des raisonnements :

— Que diraient mes amis de Paris s’ils me voyaient ? Sans doute que nous parlerions de l’espace, réceptacle des choses et synthèse de nos perceptions. Nous avancerions que toute la nature ne vaut pas un bon tableau, et qu’aller à la campagne, c’est se