Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/60

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du large horizon entrevu et des livres feuilletés, émeut mon esprit. Il n’est pas de pièce dans le château plus religieuse. D’ici on jouit de la vue la plus cyclique. Lorsque j’ouvre ma fenétre, toute la belle vallée du Grésivaudan et celle, plus tendre encore, que sillonnent les eaux glacées et lourdes du Drac, tout le massif de la Grande Chartreuse, les pics de Belledonne, la cascade de l’Oursière, le dur glacier du Taillefer, les sauvages précipices des monts de la Salette se jettent à la fois sur moi, me saisissent dans une sombre symphonie panthéiste. Si je lève la main vers ces rayons, ce sont toutes les joies et tous les soupirs de l’humanité que j’entends.

« Jadis cette chambre s’appelait celle au linge. Des pitons fichés dans le mur attestent encore l’usage, après les grandes lessives familiales, — elles avaient lieu trois fois par an, — d’étendre sur des cordeaux la bonne toile, amie de nos corps, après que le soleil l’avait bleuie et que la prairie l’avait impré-