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UNE FEMME M’APPARUT…

lite, lui avait transmis ce charme déconcertant des juives blondes. Ses yeux, plus froidement bleus que les brumes d’hiver, distillaient un regard d’Orientale, un regard de volupté et de langueur. Et ses lèvres sinueuses étaient faites pour le mensonge plus encore que pour le baiser. On les eût crues ciselées laborieusement par une main subtile. C’étaient des lèvres sans tendresse, des lèvres à qui tous les artifices de la parole étaient depuis longtemps familiers.

Elle revêtait parfois un costume de page vénitien, un costume de velours aux verts de lune qui s’harmonisaient délicatement avec sa morbide chevelure. Parfois aussi elle se transformait en pâtre grec. Une invisible musique de syrinx semblait alors s’élever sous ses pas, et ses yeux riaient aux nudités lascives des Faunesses. Elle recherchait, comme toute âme nostalgique, ce miracle des vêtements étranges qui travestit les esprits en même temps que les corps, et qui ressuscite, pour une heure, la grâce d’une époque évanouie. Elle était l’An-