Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/19

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« – Autrefois, si je retroussais fièrement – ma jeune moustache noire, – les belles filles prenaient feu, – les filles des boïars se consumaient d’ardeur.

« – Si je mordais mon poil, – le païen scélérat se jetait à bas de son cheval, – l’Allemand effaré se cachait dans son trou.

— Où sont tes boucles frisées ?

« – Ce n’est pas la neige, ce n’est pas le givre, – qui t’ont flétrie, ma bonne, – qui t’ont faite grise et désolée ; – ce n’est pas le vent, ce n’est pas le méchant ennemi.

« – Celui qui t’a flétrie, c’est l’hôte qu’on n’invite pas, – et cet hôte qu’on n’invite pas c’est le chagrin, ce serpent ! – Ô ma barbe, ma petite barbe, – ma barbe de castor ! »

Je revins à la maison, où l’on m’attendait pour souper. Après souper, mon amphitryon abandonna les joueurs à leurs joies silencieuses