Scène III[1].
C’est vous qu’à mon secours un dieu propice envoie,
Seigneur, Séide…
Et que craint-on pour lui, quand on est près de moi ?
Ô ciel ! vous redoublez la douleur qui m’agite.
Quel prodige inouï ! votre âme est interdite ;
Mahomet est troublé pour la première fois.
Je devrais l’être au moins du trouble où je vous vois.
Est-ce ainsi qu’à mes yeux votre simple innocence
Ose avouer un feu qui peut-être m’offense ?
Votre cœur a-t-il pu, sans être épouvanté,
Avoir un sentiment que je n’ai pas dicté ?
Ce cœur que j’ai formé n’est-il plus qu’un rebelle,
Ingrat à mes bienfaits, à mes lois infidèle ?
Que dites-vous ? surprise et tremblante à vos pieds,
Je baisse en frémissant mes regards effrayés.
Eh quoi ! n’avez-vous pas daigné, dans ce lieu même,
Vous rendre à nos souhaits, et consentir qu’il m’aime ?
Ces nœuds, ces chastes nœuds, que dieu formait en nous,
Sont un lien de plus qui nous attache à vous.
Redoutez des liens formés par l’imprudence.
Le crime quelquefois suit de près l’innocence.
Le cœur peut se tromper ; l’amour et ses douceurs
Pourront coûter, Palmire, et du sang et des pleurs.
- ↑ « Il y a une scène qui m’embarrasse infiniment, écrivait Voltaire à d’Argental ; c’est celle de Palmire et de Mahomet, au troisième acte. Cette scène doit être très-courte. Si Mahomet y joue trop le rôle de Tartuffe et d’amant, le ridicule est bien près. Il faut courir vite dans cet endroit-là, c’est de la cendre brûlante. »