Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/226

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Aucun ne se présente à ma débile vue.
Je vois près d'une tombe une foule éperdue ;
J'entends des cris plaintifs. Hélas ! Dans ce palais
Un dieu persécuteur habite pour jamais.


Scène II

Narbas, Isménie, dans le fond du théâtre où l'on découvre le tombeau de Cresphonte.

Isménie

Quel est cet inconnu dont la vue indiscrète  
Ose troubler la reine, et percer sa retraite ?
Est-ce de nos tyrans quelque ministre affreux
Dont l'oeil vient épier les pleurs des malheureux ?

Narbas

Oh ! Qui que vous soyez, excusez mon audace :
C'est un infortuné qui demande une grâce.  
Il peut servir Mérope ; il voudrait lui parler.

Isménie

Ah ! Quel temps prenez-vous pour oser la troubler ?
Respectez la douleur d'une mère éperdue ;
Malheureux étranger, n'offensez point sa vue ;
Éloignez-vous.

Narbas

Hélas ! Au nom des dieux vengeurs,  
Accordez cette grâce à mon âge, à mes pleurs.
Je ne suis point, madame, étranger dans Messène.
Croyez, si vous servez, si vous aimez la reine,
Que mon coeur, à son sort attaché comme vous,
De sa longue infortune a senti tous les coups. 
Quelle est donc cette tombe en ces lieux élevée
Que j'ai vu de vos pleurs en ce moment lavée ?

Isménie

C'est la tombe d'un roi des dieux abandonné,
D'un héros, d'un époux, d'un père infortuné,
De Cresphonte.

Narbas, allant vers le tombeau.

Ô mon maître ! ô cendres que j'adore !

Isménie 

L'épouse de Cresphonte est plus à plaindre encore.