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LE MARSEILLOIS ET LE LION

PAR M. DE SAINT-DIDIER

SECRÉTAIUE PERPKTUEL DE I. ' A C A I) l'; M I K DU MARSEILLE. (1768)

��Dans les sacrés cahiers, méconnus des profanes, Nous avons vu parler les serpents et les ânes. Un serpent fit l'amour à la femme d'Adam ^ Un âne avec esprit gourmanda Balaam -, Le grand parleur Homère, en vérités fertile,

��1. Il est constant que le serpent parlait. La Genèse dit exprosscmcat qu'(7 était le plus rusé de tous les animaux. La Genèse no dit point que Diou lui donna alors la parole par un acte extraordinaire de sa toute-puissance pour séduire Eve; elle rapporte la conversation du sei'pcnt et de la femme, comme on rapporte un entre- tien entre deux personnes qui se connaissent, et qui parlent la même langue. Cela même est si évident que le Seigneur punit le serpent d'avoir abusé de son esprit et de son éloquence; il le condamne à se traîner sur le ventre, au lieu qu'aupara- vant il marchait sur ses pieds. Flavien Josèphe dans ses Antiquités, Philon, saint Basile, saint Éphrem, n'en doutent pas. Le révérend père dom Calmct, dont le profond jugement est reconnu de tout le monde, s'exprime ainsi : « Toute l'anti- quité a reconnu les ruses du serpent, et on a cru qu'avant la malédiction de Dieu cet animal était encore plus subtil qu'il ne l'est à présent. L'Écriture parle de ses finesses en plusieurs endroits; elle dit qu'il bouche ses oreilles pour ne pas entendre la voix de l'enchanteur. Jésus-Christ, dans l'Évangile, nous conseille d'avoir la prudence du serpent. » {Note de Voltaii-e, 1768.)

2. Il n'en était pas ainsi de l'âne ou de l'ànesse qui parla à Balaam. Il est vrai- semblable que les ânes n'avaient point le don de la parole, car il est dit expressé- ment que le Seigneur ouvrit la bouche de l'ànesse : et même sain: Pierre, dans sa seconde épître, dit que cet animal muet parla d'une voix humaine. Mais remar- quons que saint Augustin, dans sa quarante-huitième question, dit que Ijalaam ne fut point étonné d'entendre parler son ànessc. Il en conclut que Balaam était accoutumé à entendre parler les autres animaux. Le révérend père dom Calmet avoue que la chose est très-ordinaire. « L'âne de Bacchus, dit-il, le bélier de Phryxus, le cheval d'Hercule, l'agneau de Bochoris, les bœufs de Sicile, les arbres même de Dodone, et l'ormeau d'Apollonius de 'fhyane, ont parlé distinctement, » Voilà de grandes autorités qui servent merveilleusement à justifier M. de Saint- Didier, {Id., 1768.)

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