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[o4] LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE. 153

Pour dompter la critique, on dit qu'il faut mourir : On se trompe; et sa dent, qui ne peut s'assouvir, Jusque dans le tombeau ronge notre mémoire. »

Après ces monuments si grands, si précieux, A leurs regards divins si dignes de paraître, Sur de moindres objets ils baissèrent les yeux.

Ils voulurent enfin tout voir et tout connaître : Les boulevards, la Foire, et l'Opéra-Bouffon ; L'école où Loyola corrompit la raison ; Les quatre facultés, et jusqu'à la Sorbonne.

Ils entrent dans l'étable où les docteurs fourrés Ruminaient saint Tbomas, et prenaient leurs degrés. Au séjour de VErgo, Ribaudier en personne Estropiait alors un discours en latin. Quel latin, juste ciel! les héros de l'Empire Se mordaient les cinq doigts pour s'empêcher de rire. Mais ils ne rirent plus quand un gros augustin Du concile gaulois lut tout haut les censures. Il disait anathème aux nations impures Qui n'avaient jamais su, dans leurs impiétés. Qu'auprès de l'Estrapade il fût des facultés,

a morts ! s'écriait-il, vivez dans les supplices ^ ;

ci'iait, dans la victoire d'Ivry : « Épargnez les compatriotes ! » et qui, au faîte de la puissance et de la gloire, disait à son ministre : « Je veu\ que le paysan ait une poule au pot tous les dimanches? » [Note de Voltaire, 1769.)

1. Il est nécessaire do dire au public, qui l'a oublié, qu'un nommé Piiballier, principal du collège Mazarin , et un régent nommé Cogé, s'étant avisés d'être jaloux de l'excellent livre moral de Bélisaire, cabalèrent pendant un an pour le faire censurer par ceux qu'on appelle docteurs de Sorbonne. Au bout d'un an, ils firent imprimer cette censure en latin et en français; elle n'est cependant ni fran- çaise ni latine; le titre même est un solécisme : Censure de la faculté de théologie contre le livre, etc. On ne dit point censure contre, mais censure de. Le public pardonne à la faculté de ne pas savoir le français; on lui pardonne moins de ne pas savoir le latin. Determinatio sac.rœ facultatis in libellum est une expression ridicule. Determinatio ne se trouve ni dans Cicéron, ni dans aucun bon auteur; determinatio in est un barbarisme insupportable; et ce qui est encore plus barbare, c'est d'appeler Bélisaire un libelle, en faisant un mauvais libelle contre lui.

Ce qui est encore plus barbare, c'est de déclarer damnés tous les grands hommes de l'antiquité qui ont enseigné et pratiqué la justice. Cette absurdité est heureusement démentie par saint Paul, qui dit expressément dans son épître aux Juifs tolérés à Rome : « Lorsque les gentils, qui n'ont point la loi, font naturelle- ment ce que la loi commande, n'ayant point notre loi, ils sont loi k eux-mêmes. » Tous les honnêtes gens de l'Europe et du monde entier ont de l'horreur et du mépris pour cette détestable ineptie qui va damnant toute l'antiquité. Il n'y a que des cuistres sans raison et sans humanité qui puissent soutenir, une opinion si abominable et si folle, désavouée même dans le fond de leur cœur. Nous ne pré-

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