Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/168

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LES DEUX SIECLES^

��Siècle où je vis briller un un suivi d'un quatre, Siècle où l'on sut écrire aussi bien que combattre, D'où vient qu'à nos plaisirs a succédé l'ennui ? Ressemblons-nous du moins au Romain d'aujourd'hui, Qui, lier dans l'indigence et grand dans ses misères. Vante, en tendant la main, les trésors de ses pères? Non ; d'un plus noble orgueil notre esprit est blessé : Nous croyons valoir mieux que le bon temps passé. La sagesse en nos jours a sur nous tant d'empire Que nous avons perdu la faculté de rire. C'est dommage ; autrefois Molière était plaisant ; Il sut nous égayer, mais en nous instruisant. Le comique pleureur aujourd'hui veut séduire, Et sans nous amuser renonce à nous instruire. Que je plains un Français quand il est sans gaité! Loin de son élément le pauvre homme est jeté. Je n'aime point Thalie alors que sur la scène Elle prend gauchement l'habit de Melpomène. Ces deux charmantes sœurs ont bien changé de ton : Hors de son caractère on ne fait rien de bon. iMolière en rit là-bas, et Racine en soupire.

Il ne peut supporter l'insipide délire De tous ces plats romans mis en vers boursouflés. Apostrophes aux dieux, lieux communs ampoulés. Maximes sans raison, nœuds d'intrigues bizarres. Et la scène française en proie à des barbares.

(( Tant mieux, dit un rêveur soi-disant financier.

��1, Ou n'a jusqu'à ce jour assigne aucune date à cette satire; je la crois de 1771; je la trouve du moins à la page 162 du volume intitule Èpîlres, Satires, Contes, Odes et Pièces fugitives du poëte philosophe, dont plusieurs n'ont point encore paru, enrichies de noies curieuses et intéressantes; 1771, in-S". C'est la première édition que je connaisse des Deux Siècles, (B.)

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