Mille abus, je le sais, ont régné dans l’Église[1] ;
Fleury le confesseur en parle avec franchise[2].
J’ai pu de les siffler prendre un peu trop de soin :
Eh ! quel auteur, hélas ! ne va jamais trop loin ?
De saint Ignace encore[3] on me voit souvent rire ;
Je crois pourtant un Dieu, puisqu’il faut vous le dire.
— Ah, traître ! ah, malheureux ! je m’en étais douté.
Va, j’avais bien prévu ce trait de lâcheté,
Alors que de Maillet[4] insultant la mémoire,
Du monde qu’il forma tu combattis l’histoire…
Ignorant, vois l’effet de mes combinaisons :
Les hommes autrefois ont été des poissons ;
La mer de l’Amérique a marché vers le Phase[5] ;
Les huîtres d’Angleterre ont formé le Caucase :
Nous te l’avions appris, mais tu t’es éloigné
Du vrai sens de Platon, par nous seuls enseigné.
Lache ! oses-tu bien croire une essence suprême ?
- ↑ Variante :
Mille abus, je le sais, ont fait gémir l’Église ;
Fleury l’historien… - ↑ Fleury, célèbre par ses excellents discours, qui sont d’un sage écrivain et d’un citoyen zélé, connu aussi par son Histoire ecclésiastique, qui ressemble trop en plusieurs endroits à la Légende dorée. (Note de M. de Morza{', 1772.)
- ↑ Variante :
Du loyoliste encor.
- ↑ Ce consul Maillet fut un de ces charlatans dont on a dit qu’ils voulaient
imiter Dieu, et créer un monde avec la parole. C’est lui qui, abusant de l’histoire de quelques bouleversements avérés, arrivés dans ce globe, prétend que les mers avaient formé les montagnes, et que les poissons avaient été changés en hommes. Aussi quand on a imprimé son livre, on n’a pas manqué de le dédier à Cyrano de Bergerac. (Note de M. de Morza, 1772.)
- ↑ Variante :
Ce globe était de verre, et les mers étonnées
Ont produit le Caucase, ont fait les Pyrénées.
cette grande vérité. Ils étaient théistes, dans le sens le plus rigoureux et le plus respectable.
Des objections ! on nous en fait sans nombre ; des ridicules ! on croit nous en donner en nous appelant cause-finaliers ; mais des preuves contre l’existence d’une intelligence suprême, on n’en a jamais apporté aucune. Spinosa lui-même est forcé de reconnaître cette intelligence ; et Virgile avant lui, et après tant d’autres, avait dit : Mens agitat molem. C’est ce mens agitat molem qui est le fort de la dispute entre les athées et les théistes, comme l’avoue le géomètre Clarke dans son livre de l’existence de Dieu ; livre le plus éloigné de notre bavarderie ordinaire, livre le plus profond et le plus serré que nous ayons sur cette matière, livre auprès duquel ceux de Platon ne sont que des mots, et auquel je ne pourrais préférer que le naturel et la candeur de Locke. (Note de M. de Morza, 1772.)