Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/268

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Il la verra pour elle implorer sa pitié,
Et ranimer en lui ce goût, cette amitié,
Que pour moi, dans son cœur, ma muse avait fait naître.
Beaux jardins de Villars, ombrages toujours frais,
C’est sous vos feuillages épais
Que je retrouverai ce héros plein de gloire
Que nous a ramené la Paix
Sur les ailes de la Victoire.
C’est là que Richelieu, par son air enchanteur,
Par ses vivacités, son esprit, et ses grâces,
Dès qu’il reparaîtra, saura joindre mon cœur
À tant de cœurs soumis qui volent sur ses traces.
Et toi, cher Bolingbrok[1] héros qui d’Apollon
As reçu plus d’une couronne,
Qui réunis en ta personne
L’éloquence de Cicéron,
L’intrépidité de Caton,
L’esprit de Mécénas, l’agrément de Pétrone[2],
Enfin donc je respire, et respire pour toi ;
Je pourrai désormais te parler et t’entendre.
Mais, ciel ! quel souvenir vient ici me surprendre !
Cette aimable beauté qui m’a donné sa foi,
Qui m’a juré toujours une amitié si tendre,
Daignera-t-elle encor jeter les yeux sur moi[3] ?
Hélas ! en descendant sur le sombre rivage,
Dans mon cœur expirant je portais son image ;
Son amour, ses vertus, ses grâces, ses appas,
Les plaisirs que cent fois j’ai goûtés dans ses bras,
À ces derniers moments flattaient encor mon âme ;
Je brûlais, en mourant, d’une immortelle flamme.

  1. Voltaire allait souvent chez lui, dans son château de la Source. (G. A.)
  2. Après ce vers,
    L’esprit de Mécénas, etc.,
    on lisait ceux-ci :
    Et la science de Varron.
    Bolingbroke, à ma gloire il faut que je publie
    Que tes soins, pendant le cours
    De ma triste maladie,
    Ont daigné marquer mes jours
    Par le tendre intérêt que tu prends à ma vie.
    Enfin donc, etc.
  3. Est-ce Mlle Lecouvreur que Voltaire désigne ici ?