Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le dieu du jour lance un rayon
Au fond de quelque chambre obscure[1],
De ses traits la lumière pure
Y peint du plus vaste horizon
La perspective en miniature.
Une telle comparaison
Se sent un peu de la lecture
Et de Kircher[2] et de Newton.
Par ce ton si philosophique
Qu’ose prendre ma faible voix,
Peut-être je gâte à la fois
La poésie et la physique.
Mais cette nouveauté me pique ;
Et du vieux code poétique
Je commence à braver les lois.
Qu’un autre, dans ses vers lyriques,
Depuis deux mille ans répétés,
Brode encor des fables antiques ;
Je veux de neuves vérités.
Divinités des bergeries,
Naïades des rives fleuries,
Satyres, qui dansez toujours,
Vieux enfants que l’on nomme Amours,
Qui faites naître en nos prairies
De mauvais vers et de beaux jours,
Allez remplir les hémistiches
De ces vers pillés et postiches
Des rimailleurs suivant les cours.
D’une mesure cadencée
Je connais le charme enchanteur :
L’oreille est le chemin du cœur ;
L’harmonie et son bruit flatteur
Sont l’ornement de la pensée :
Mais je préfère, avec raison.
Les belles fautes du génie
À l’exacte et froide oraison
D’un puriste d’académie.
Jardins plantés en symétrie,

  1. Voltaire avait fait construire à Cirey une chambre obscure pour ses expériences d’optique.
  2. Célèbre savant, né en 1602, mort en 1680.