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Que Mégère en courroux tira de son cerveau.
Pour gagner vingt écus, ce fou de La Beaumelle[1]

  1. On ne peut mieux connaître cet homme que par la lettre que nous allons copier. N’ayant ni le génie de La Grange ni celui de Rousseau, il s’est rendu aussi criminel qu’eux, mais infiniment plus méprisable. Il est né dans un village des Cévennes, auprès de Castres. Il a passé quelques années à Genève, et a été répétiteur des enfants de M. de Budé de Duisy. Il y fut proposant pour être ministre, en 1745.

    Voici la lettre qui le fera connaître :


    LETTRE À M. DE LA CONDAMINE,

    DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, ETC.

    À Ferney, 8 mars 1771.

    Monsieur,

    Monsieur l’envoyé de Parme m’a fait parvenir votre lettre. J’ai l’honneur d’être votre confrère dans plus d’une académie : je suis votre ami depuis plus de quarante ans. Vous me parlez avec candeur, je vais vous répondre de même.

    Le sieur de La Beaumelle, en 1752, vendit, à Francfort, au libraire Eslinger, pour dix-sept louis, le Siècle de Louis XIV, que j’avais composé (autant qu’il avait été en moi) à l’honneur de la France et de ce monarque.


    Il plut à cet écrivain de tourner cet éloge véridique en libelle diffamatoire. Il le chargea de notes, dans lesquelles il dit qu’il soupçonne Louis XIV d’avoir fait empoisonner le marquis de Louvois, son ministre, dont il était excédé ; et qu’en effet ce ministre craignait que le roi ne l’empoisonnât. (Tome III, pages 269 et 271.)


    Que Louis XIV ayant promis à Mme  de Maintenon de la déclarer reine, Mme  la duchesse de Bourgogne, irritée, engagea le prince son époux, père de Louis XV, à ne point secourir Lille, assiégée alors par le prince Eugène, et à trahir son roi, son aïeul, et sa patrie.


    Il ajoute que l’armée des assiégeants jetait dans Lille des billets dans lesquels il était écrit : « Rassurez-vous, Français ! la Maintenon ne sera pas reine, nous ne lèverons pas le siège. »


    La Beaumelle rapporte la même anecdote dans les mémoires qu’il a fait imprimer sous le nom de Mme  de Maintenon. (T. IV, p. 109.)


    Qu’on trouva l’acte de célébration du mariage de Louis XIV avec Mme  de Maintenon dans de vieilles culottes de l’archevêque de Paris, mais « qu’un tel mariage n’est pas extraordinaire, attendu que Cléopâtre déjà vieille enchaîna Auguste ». (Tome III, page 75.)


    Que le duc de Bourbon, étant premier ministre, fit assassiner Vergier, ancien commissaire de marine, par un officier, auquel il donna la croix de Saint-Louis pour récompense. (Tome III du Siècle, page 323.)


    Que le grand-père de l’empereur, aujourd’hui régnant, avait, ainsi que sa maison, des empoisonneurs à gages. (Tome II, page 345.)


    Les calomnies absurdes contre le duc d’Orléans, régent du royaume, sont encore plus exécrables ; on ne veut pas en souiller le papier. Les enfants de la Voisin, de Cartouche, et de Damiens, n’auraient jamais osé écrire ainsi, s’ils avaient su écrire. L’ignorance de ce malheureux égalait sa détestable impudence.


    Cette ignorance est poussée jusqu’à dire que la loi qui veut que le premier prince du sang hérite de la couronne, au défaut d’un fils du roi, n’exista jamais.


    Il assure hardiment que le jour que le duc d’Orléans se fit reconnaître à la cour