Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/446

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Font subir gravement à nos ambassadeurs.
Tu venges l’univers en vengeant la Russie.
Je suis homme, je pense ; et je te remercie.
Puissent les dieux surtout, si ces dieux éternels
Entrent dans les débats des malheureux mortels,
Puissent ces purs esprits émanés du grand Être,
Ces moteurs des destins, ces confidents du maître,
Que jadis dans la Grèce imagina Platon,
Conduire tes guerriers aux champs de Marathon[1],
Aux remparts de Platée, aux murs de Salamine !
Que, sortant des débris qui couvrent sa ruine,
Athènes ressuscite à ta puissante voix.
Rends-lui son nom, ses dieux, ses talents, et ses lois.
Les descendants d’Hercule et la race d’Homère,
Sans cœur et sans esprit couchés dans la poussière,
À leurs divins aïeux craignant de ressembler,

    ambassa- des puissances auxquelles ils veulent faire la guerre. Le sultan Moustapha, avant de déclarer la guerre à la Russie, a commencé par mettre en prison le président Obreskow, au mépris du droit des gens. (Note de Voltaire, 1771.)

  1. On connaît assez les batailles de Marathon, de Platée, et de Salamine. La victoire de Marathon fut remportée par Miltiade et neuf autres chefs ses collègues, qui n’avaient que dix mille Athéniens contre cent mille hommes de pied et dix mille cavaliers, commandés par les généraux du roi de Perse, Darius. Cet événement ressemble à la bataille de Poitiers ; mais ce qui rend la victoire des Grecs plus étonnante, c’est qu’ils n’étaient point retranchés comme les Anglais l’étaient auprès de Poitiers, et qu’ils attaquèrent les ennemis. Au reste, il n’est pas bien sûr que les Perses fussent au nombre de cent dix mille ; il faut toujours rabattre de ces exagérations.

    La bataille de Salamine est un combat naval dans lequel Thémistocle défit la flotte de Xerxès, après que ce monarque eut réduit en cendres la ville d’Athènes. Cette journée est encore plus surprenante ; les Athéniens, avant cette guerre, n’avaient jamais combattu en mer.


    C’est à peu près ainsi que la petite flotte de l’impératrice Catherine II, sous le commandement du comte Alexis Orlof, a détruit entièrement la flotte ottomane, le 6 juin 1770. Le nom d’Orlof n’est pas si harmonieux que celui de Miltiade, mais
    doit aller de même à la postérité.

    La journée de Platée est semblable à celle de Marathon. Aristide et Pausanias, avec environ soixante mille Grecs, défirent entièrement une armée de cinq cent mille Perses, selon Diodore de Sicile ; supposé qu’une armée de cinq cent mille hommes ait pu se mettre en ordre de bataille dans les défilés dont la Grèce est coupée. Mardonius, chef de l’armée persane, y fut tué ; supposé qu’un Perse se soit jamais appelé Mardonius, ce qui est aussi ridicule que si on l’avait appelé Villars ou Turenne.


    Xerxès possédait les mêmes pays que Moustapha. Le comte de Romanzow a battu le grand-vizir turc, comme Pausanias et Aristide battirent celui de Xerxès ; mais il n’a pas eu affaire à cinq cent mille Turcs ; nous sommes plus modestes aujourd’hui. (Id., 1771.)