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AVERTISSEMENT POUR LE MONDAIN, ETC.

Ainsi, en ayant égard à l’espèce d’exagération que permet la poésie, surtout dans un ouvrage de plaisanterie, ces pièces ne méritent aucun reproche grave, et moins qu’aucun autre celui de dureté ou de personnalité que leur a fait J.-J. Rousseau ; car c’est précisément parce que le commerce, l’industrie, le luxe, lient entre eux les nations et les états de la société, adoucissent les hommes, et font aimer la paix, que M. de Voltaire en a quelquefois exagéré les avantages.

Nous avouerons avec la même franchise que la vie d’un honnête homme, peinte dans le Mondain, est celle d’un sybarite, et que tout homme qui mène cette vie ne peut être, même sans avoir aucun vice, qu’un homme aussi méprisable qu’ennuyé ; mais il est aisé de voir que c’est une pure plaisanterie. Un homme qui, pendant soixante et dix ans, n’a point peut-être passé un seul jour sans écrire ou sans agir en faveur de l’humanité, aurait-il approuvé une vie consumée dans de vains plaisirs ? Il a voulu dire seulement qu’une vie inutile, perdue dans les voluptés, est moins criminelle et moins méprisable qu’une vie austère employée dans l’intrigue, souillée par les ruses de l’hypocrisie, ou les manœuvres de l’avidité.

K.