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LE MONDAIN[1]

(1736)


Regrettera qui veut le bon vieux temps[2],
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents ;
Moi, je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant décrié par nos tristes frondeurs[3] :
Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
J’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,

  1. Cette pièce est de 1736. C’est un badinage dont le fond est très-philosophique et très-utile ; son utilité se trouve expliquée dans la pièce suivante. Voyez aussi, page 89, la lettre de M. de Melon à Mme la comtesse de Verrue. (Note de Voltaire, 1748.) — C’est dans la lettre à Cideville, du 5 août 1736, que Voltaire parle pour la première fois du Mondain, qui était déjà entre les mains de Formont. Les copies se multiplièrent, et (voyez ci-après page 88) l’auteur fut persécuté. Luchet dit que cette disgrâce fut causée par les plaisanteries sur Adam. Il ajoute que quelques personnes l’ont attribuée aux vers sur Colbert qui sont dans la Défense du Mondain : Ah ! que Colbert était un esprit sage !
    Éloge que le cardinal de Fleury prit pour une ironie contre lui. Il est possible que les vers sur Adam fussent le prétexte, et que les vers sur Colbert fussent la cause. Voltaire sortit de France à la fin de 1736, et se réfugia en Hollande. Il était de retour à Cirey en mars 1737. Son exil ne dura donc guère que deux mois.
    Piron a fait contre le Mondain une pièce de quatre-vingt-deux vers, qu’il a intitulée l’Anti-Mondain.
    Dans plusieurs éditions des Œuvres de Voltaire, on a donné au Mondain le titre de Défense du Mondain ; et à la Défense du Mondain celui du Mondain, Cette singulière faute a été corrigée du vivant de l’auteur. ( B.)
  2. Ce vers et le huitième sont imités de l’Art d’aimer d’Ovide, chant III, vers 121-122.
  3. Variante :
    Tant décrié par nos pauvres docteurs.