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ESSAI

sur

LES MŒURS ET L’ESPRIT


DES NATIONS

ET SUR LES PRINCIPAUX FAITS DE L’HISTOIRE,

depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII.




CHAPITRE LXXIII.


De Jean Hus, et de Jérôme de Prague.


Tout ce que nous avons vu dans ce tableau de l’histoire générale montre dans quelle ignorance avaient croupi les peuples de l’Occident. Les nations soumises aux Romains étaient devenues barbares dans le déchirement de l’empire, et les autres l’avaient toujours été. Lire et écrire était une science bien peu commune avant Frédéric II ; et le fameux bénéfice de clergie, par lequel un criminel condamné à mort obtenait sa grâce en cas qu’il sût lire, est la plus grande preuve de l’abrutissement de ces temps. Plus les hommes étaient grossiers, plus la science, et surtout la science de la religion, avait donné sur eux au clergé et aux religieux cette autorité naturelle que la supériorité des lumières donne aux maîtres sur les disciples. De cette autorité naquit la puissance ; il n’y eut point d’évêque en Allemagne et dans le Nord qui ne fût souverain ; nul en Espagne, en France, en Angleterre, qui n’eût ou ne disputât les droits régaliens. Presque tout abbé devint prince, et les papes, quoique persécutés, étaient les rois de tous ces souverains. Les vices attachés à l’opulence, et les désastres qui suivent l’ambition, ramenèrent enfin la plupart des