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DE CHARLES VIII.


CHAPITRE CI.


De Charles VIII, et de l’état de l’Europe quand il entreprit
la conquête de Naples.


Louis XI laissa son fils Charles VIII, enfant de quatorze ans, faible de corps, et sans aucune culture dans l’esprit, maître du plus beau et du plus puissant royaume qui fût alors en Europe. Mais il lui laissa une guerre civile, compagne presque inséparable des minorités. Le roi, à la vérité, n’était point mineur par la loi de Charles V, mais il l’était par celle de la nature. Sa sœur aînée, Anne, femme du duc de Bourbon-Beaujeu, eut le gouvernement par le testament de son père ; et on prétend qu’elle en était digne. Louis, duc d’Orléans, premier prince du sang, qui fut depuis ce même roi Louis XII, dont la mémoire est si chère, commença par être le fléau de l’État dont il devint depuis le père. D’un côté, sa qualité de premier prince du sang, loin de lui donner aucun droit au gouvernement, ne lui eût pas même donné le pas sur les pairs plus anciens que lui ; de l’autre, il semblait toujours étrange qu’une femme, que la loi déclare incapable du trône, régnât pourtant sous un autre nom. Louis, duc d’Orléans, ambitieux (car les plus vertueux le sont), fit la guerre civile à son souverain pour être son tuteur.

Le parlement de Paris vit alors quel crédit il pouvait un jour avoir dans les minorités. Le duc d’Orléans vint s’adresser aux chambres assemblées pour avoir un arrêt qui changeât le gouvernement. La Vaquerie, homme de loi, premier président, répondit que ni les finances ni le gouvernement de l’État ne regardent le parlement, mais bien les états généraux, lesquels le parlement ne représente pas.

On voit par cette réponse que Paris alors était tranquille, et que le parlement était dans les intérêts de Mme de Beaujeu. (1488) La guerre civile se fit dans les provinces, et surtout en Bretagne, où le vieux duc François II prit le parti du duc d’Orléans. On donna la bataille près de Saint-Aubin en Bretagne. Il faut remarquer que dans l’armée des Bretons et du duc d’Orléans il y avait quatre ou cinq cents Anglais, malgré les troubles qui épuisaient alors l’Angleterre. Quand il s’agit d’attaquer la France, rarement les Anglais ont été neutres. Louis de La Trimouille,