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DE L’ANGLETERRE, ET DE MARGUERITE D’ANJOU.

sa cause entièrement. Le parlement décida que Henri VI garderait le trône pendant sa vie, et que le duc d’York, à l’exclusion du prince de Galles, serait son successeur. Mais à cet arrêt on ajouta une clause qui était une nouvelle déclaration de trouble et de guerre ; c’est que, si le roi violait cette loi, la couronne dès ce moment serait dévolue au duc d’York.

Marguerite d’Anjou, vaincue, fugitive, éloignée de son mari, ayant contre elle le duc d’York victorieux, Londres et le parlement, ne perdit point courage. Elle courait dans la principauté de Galles et dans les provinces voisines, animant ses amis, s’en faisant de nouveaux, et formant une armée. On sait assez que ces armées n’étaient pas des troupes régulières, tenues longtemps sous le drapeau, et soudoyées par un seul chef. Chaque seigneur amenait ce qu’il pouvait d’hommes rassemblés à la hâte. Le pillage tenait lieu de provisions et de solde. Il fallait en venir bientôt à une bataille, ou se retirer. La reine se trouva enfin en présence de son grand ennemi le duc d’York, dans la province de ce nom, près du château de Sandal. Elle était à la tête de dix-huit mille hommes. (1461) La fortune dans cette journée seconda son courage. Le duc d’York, vaincu, mourut percé de coups. Son second fils Rutland fut tué en fuyant. La tête du père, plantée sur la muraille avec celles de quelques généraux, y resta longtemps comme un monument de sa défaite.

Marguerite, victorieuse, marche vers Londres pour délivrer le roi son époux. Le comte de Warwick, l’âme du parti d’York, avait encore une armée dans laquelle il traînait Henri son roi et son captif à sa suite. La reine et Warwick se rencontrèrent près de Saint-Alban, lieu fameux par plus d’un combat. La reine eut encore le bonheur de vaincre (1461) : elle goûta le plaisir de voir fuir devant elle ce Warwick si redoutable, et de rendre à son mari sur le champ de bataille sa liberté et son autorité. Jamais femme n’avait eu plus de succès et plus de gloire ; mais le triomphe fut court. Il fallait avoir pour soi la ville de Londres ; Warwick avait su la mettre dans son parti. La reine ne put y être reçue, ni la forcer avec une faible armée. Le comte de La Marche, fils aîné du duc d’York, était dans la ville, et respirait la vengeance. Le seul fruit des victoires de la reine fut de pouvoir se retirer en sûreté. Elle alla dans le nord d’Angleterre fortifier son parti, que le nom et la présence du roi rendaient encore plus considérable.

(1461) Cependant Warwick, maître dans Londres, assemble le peuple dans une campagne aux portes de la ville, et, lui mon-