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IDÉE GÉNÉRALE DU XVIe SIÈCLE.


CHAPITRE CXVIII.


Idée générale du xvie siècle.


Le commencement du XVIe siècle, que nous avons déjà entamé, nous présente à la fois les plus grands spectacles que le monde ait jamais fournis. Si on jette la vue sur ceux qui régnaient pour lors en Europe, leur gloire, ou leur conduite, ou les grands changements dont ils ont été cause, rendent leurs noms immortels. C’est, à Constantinople, un Sélim qui met sous la domination ottomane la Syrie et l’Égypte, dont les mahométans mameluks avaient été en possession depuis le XIIIe siècle. C’est après lui son fils, le grand Soliman, qui le premier des empereurs turcs marche jusqu’à Vienne, et se fait couronner roi de Perse dans Bagdad, prise par ses armes, faisant trembler à la fois l’Europe et l’Asie.

On voit en même temps vers le Nord Gustave Vasa, brisant dans la Suède le joug étranger, élu roi du pays dont il est le libérateur.

En Moscovie les deux Jean Basilowitz ou Basilides délivrent leur patrie du joug des Tartares dont elle était tributaire ; princes à la vérité barbares, et chefs d’une nation plus barbare encore : mais les vengeurs de leur pays méritent d’être comptés parmi les grands princes.

En Espagne, en Allemagne, en Italie, on voit Charles-Quint, maître de tous ces États sous des titres différents, soutenant le fardeau de l’Europe, toujours en action et en négociation, heureux longtemps en politique et en guerre, le seul empereur puissant depuis Charlemagne, et le premier roi de toute l’Espagne depuis la conquête des Maures : opposant des barrières à l’empire ottoman, faisant des rois et une multitude de princes, et se dépouillant enfin de toutes les couronnes dont il est chargé, pour aller mourir en solitaire après avoir troublé l’Europe.

Son rival de gloire et de politique, François Ier, roi de France, moins heureux, mais plus brave et plus aimable, partage entre Charles-Quint et lui les vœux et l’estime des nations. Vaincu et plein de gloire, il rend son royaume florissant malgré ses malheurs ; il transplante en France les beaux-arts, qui étaient en Italie au plus haut point de perfection.

Le roi d’Angleterre Henri VIII, trop cruel, trop capricieux pour