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CHAPITRE CXXIV.

produisit guère qu’une rançon avec des reproches, des démentis, des défis solennels et inutiles, qui mêlèrent du ridicule à ces événements terribles, et qui semblèrent dégrader les deux premiers personnages de la chrétienté.

Henri d’Albret, détenu prisonnier dans Pavie, s’échappa et revint en France. François Ier, mieux gardé à Madrid, (1526, 15 janvier) fut obligé, pour sortir de prison, de céder à l’empereur le duché entier de Bourgogne, une partie de la Franche-Comté, tout ce qu’il prétendait au delà des Alpes, la suzeraineté sur la Flandre et l’Artois, la possession d’Arras, de Lille, de Tournai, de Mortagne, de Hesdin, de Saint-Amant, d’Orchios ; non-seulement il signe qu’il rétablira le connétable de Bourbon, son vainqueur, dans tous les biens dont il l’avait dépouillé, mais il promet encore de « faire droit à cet ennemi pour les prétentions qu’il a sur la Provence ». Enfin, pour comble d’humiliation, il épouse en prison la sœur de l’empereur. Le comte de Lannoy, l’un des généraux qui l’avaient fait prisonnier, vient en bottes dans sa chambre lui faire signer ce mariage forcé. Ce traité de Madrid était aussi funeste que celui de Bretigny ; mais François Ier, en liberté, n’exécuta pas son traité comme le roi Jean.

Ayant cédé la Bourgogne, il se trouva assez puissant pour la garder. Il perdit la suzeraineté de la Flandre et de l’Artois ; mais en cela il ne perdit qu’un vain hommage. Ses deux fils furent prisonniers (1526) à sa place en qualité d’otages ; mais il les racheta pour de l’argent : cette rançon, à la vérité, se monta à deux millions d’écus d’or, et ce fut un grand fardeau pour la France. Si on considère ce qu’il en coûta pour la captivité de François Ier, pour celle du roi Jean, pour celle de saint Louis, combien la dissipation des trésors de Charles V par le duc d’Anjou son frère, combien les guerres contre les Anglais avaient épuisé la France, on admire les ressources que François Ier trouva dans la suite. Ces ressources étaient dues aux acquisitions successives du Dauphiné, de la Provence, de la Bretagne, à la réunion de la Bourgogne, et au commerce qui florissait. Voilà ce qui répara tant de malheurs, et ce qui soutint la France contre l’ascendant de Charles-Quint.

La gloire ne fut pas le partage de François Ier dans toute cette triste aventure. Il avait donné sa parole à Charles-Quint de lui remettre la Bourgogne ; promesse faite par faiblesse, faussée par raison, mais avec honte. Il en essuya le reproche de l’empereur. Il eut beau lui répondre : « Vous avez menti par la gorge, et