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CHAPITRE CXLVIII.

dans les temps les plus éclairés, n’admet point d’autre dieu. Platon, plus éclairé que Pline, avait appelé le soleil le fils de Dieu, la splendeur du Père ; et cet astre longtemps auparavant fut révéré par les mages et par les anciens Égyptiens. La même vraisemblance et la même erreur régnèrent également dans les deux hémisphères.

Les Péruviens avaient des obélisques, des gnomons réguliers, pour marquer les points des équinoxes et des solstices. Leur année était de trois cent soixante et cinq jours ; peut-être la science de l’antique Égypte ne s’étendit pas au delà. Ils avaient élevé des prodiges d’architecture et taillé des statues avec un art surprenant. C’était la nation la plus policée et la plus industrieuse du nouveau monde.

L’inca Huescar, père d’Atabalipa, dernier inca, sous qui ce vaste empire fut détruit, l’avait beaucoup augmenté et embelli. Cet inca, qui conquit tout le pays de Quito, aujourd’hui la capitale du Pérou, avait fait, par les mains de ses soldats et des peuples vaincus, un grand chemin de cinq cents lieues de Cusco jusqu’à Quito, à travers des précipices comblés et des montagnes aplanies. Ce monument de l’obéissance et de l’industrie humaine n’a pas été depuis entretenu par les Espagnols. Des relais d’hommes établis de demi-lieue en demi-lieue portaient les ordres du monarque dans son empire. Telle était la police ; et si on veut juger de la magnificence, il suffit de savoir que le roi était porté dans ses voyages sur un trône d’or, qu’on trouva peser vingt-cinq mille ducats, et que la litière de lames d’or sur laquelle était le trône était soutenue par les premiers de l’État.

Dans les cérémonies pacifiques et religieuses à l’honneur du soleil, on formait des danses : rien n’est plus naturel ; c’est un des plus anciens usages de notre hémisphère. Huescar, pour rendre les danses plus graves, fit porter par les danseurs une chaîne d’or longue de sept cents de nos pas géométriques, et grosse comme le poignet ; chacun en soulevait un chaînon. Il faut conclure de ce fait que l’or était plus commun au Pérou que ne l’est parmi nous le cuivre.

François Pizarro attaqua cet empire avec deux cent cinquante fantassins, soixante cavaliers, et une douzaine de petits canons que traînaient souvent les esclaves des pays déjà domptés. Il arrive par la mer du Sud à la hauteur de Quito par delà l’équateur. Atabalipa, fils d’Huescar, régnait alors[1] ; il était vers Quito

  1. En l’année 1532.