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CHAPITRE CLXIll.

France, sous le nom de lieutenant général du royaume. Il était en cette qualité au-dessus du connétable.

Prendre Calais et tout son territoire au milieu de l’hiver, et au milieu de la consternation où la bataille de Saint-Quentin jetait la France ; chasser pour jamais les Anglais qui avaient possédé Calais durant deux cent treize ans fut une action qui étonna l’Europe, et qui mit François de Guise au-dessus de tous les capitaines de son temps. Cette conquête fut plus éclatante et plus profitable que difficile. La reine Marie n’avait laissé dans Calais qu’une garnison trop faible ; la flotte n’arriva que pour voir les étendards de France arborés sur le port. Cette perte, causée par la faute de son ministère, acheva de la rendre odieuse aux Anglais.

Mais tandis que le duc de Guise rassurait la France par la prise de Calais (13 juillet 1558), et ensuite par celle de Thionville, l’armée de Philippe II gagna encore une assez grande bataille contre le maréchal de Termes, auprès de Gravelines, sous le commandement du comte d’Egmont, de ce même comte d’Egmont à qui Philippe fit depuis trancher la tête pour avoir défendu les droits et la liberté de sa patrie.

Tant de batailles rangées, perdues par les Français, et tant de villes prises d’assaut par eux, donnent lieu de croire que ces peuples étaient, comme du temps de Jules César, plus propres pour l’impétuosité des assauts que pour cette discipline et ces manœuvres de ralliement qui décident de la victoire dans un champ de bataille.

Philippe ne profita pas plus en guerrier de la victoire de Gravelines que de celle de Saint-Quentin ; mais il fit la paix glorieuse de Cateau-Cambresis (1559), dans laquelle, pour Saint-Quentin et les deux bourgs de Ham et du Catelet qu’il rendit, il gagna les places fortes de Thionville, de Marienbourg, de Montmédy, de Hesdin, et le comté de Charolais en pleine souveraineté. Il fit raser Térouanne et Ivoi, fit rendre Bouillon à l’évêque de Liège, le Montferrat au duc de Mantoue, la Corse aux Génois, la Savoie, le Piémont, et la Bresse, au duc de Savoie ; se réservant d’entretenir des troupes dans Verceil et dans Asti, jusqu’à ce que les droits prétendus par la France sur le Piémont fussent réglés, et que Turin, Pignerol, Quiers, et Chivas, fussent évacués par Henri II.

Pour Calais et son territoire, Philippe n’y prit pas un grand intérêt. Sa femme, Marie d’Angleterre, venait de mourir : Élisabeth commençait à régner. Cependant le roi de France s’obligea de rendre Calais dans huit années, et à payer huit cent mille écus d’or au bout de ces huit ans si Calais n’était pas alors