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DU CONCILE DE TRENTE.

cent écus chacune, et qu’un prélat possède des évêchés de plusieurs millions. Il était de l’intérêt de tous les princes et de tous les peuples de déraciner cet abus : il est cependant autorisé.

Cet article ayant mis quelque aigreur dans les esprits, Paul III transfère le concile de Trente à Bologne, sous prétexte des maladies qui régnaient à Trente.

Pendant les deux premières sessions du concile à Bologne, le bâtard du pape, Pierre-Louis Farnèse, duc de Parme, devenu insupportable par l’insolence de ses débauches et de ses rapines, est assassiné dans Plaisance, ainsi que Cosme de Médicis l’avait été auparavant dans Florence, Julien avant ce Cosme, le duc Galéas à Milan, et tant d’autres princes nouveaux. Il n’est pas prouvé que Charles-Quint eût part à ce meurtre ; mais il en recueillit le fruit dès le lendemain, et le gouverneur de Milan se saisit de Plaisance au nom de l’empereur.

(1548) On peut juger si cet assassinat et cette promptitude à priver le pape de la ville de Plaisance mirent des dissensions entre l’empereur et Paul III. Ces querelles influaient sur le concile ; le peu d’évêques impériaux restés à Trente ne voulaient point reconnaître les pères de Bologne.

C’est dans le temps de ces divisions que Charles-Quint, ayant vaincu les princes protestants dans la célèbre bataille de Mulberg, en 1547, et marchant de succès en succès, mécontent du pape, n’espérant plus rien d’un concile divisé, ambitionne la gloire de faire ce que n’avait pu ce concile, de réunir, du moins pour un temps, les catholiques et les protestants d’Allemagne. Il fait travailler des théologiens de tous les partis ; il fait publier son inhalt, son interim, profession de foi passagère en attendant mieux. Ce n’était point se déclarer chef de l’Église, comme le roi d’Angleterre Henri VIII ; mais c’eût été l’être en effet, si les Allemands avaient eu autant de docilité que les Anglais.

Le fondement de cette formule de l’interim est la doctrine romaine, mais mitigée, et expliquée en termes qui peuvent ne point choquer les réformateurs. On permet aux peuples le vin dans la communion ; on permet aux prêtres le mariage. Il y avait de quoi contenter tout le monde, si l’esprit de division pouvait jamais être content ; mais ni les catholiques ni les protestants ne furent satisfaits. Paul III (1548), qui pouvait éclater contre cette entreprise, garda le silence. Il prévoyait qu’elle tomberait d’elle-même ; et, s’il osait se servir des armes des Grégoire VII et des Innocent IV contre l’empereur, l’exemple de l’Angleterre et le pouvoir de Charles le faisaient trembler.