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RÉSUMÉ DE CETTE HISTOIRE.

C’est dans notre Europe qu’il y a encore quelques peuples dont la loi ne permet pas qu’un étranger achète un champ et un tombeau dans leur territoire. Le barbare droit d’aubaine, par lequel un étranger voit passer le bien de son père au fisc royal, subsiste encore dans tous les royaumes chrétiens, à moins qu’on n’y ait dérogé par des conventions particulières[1].

Nous pensons encore que dans tout l’Orient les femmes sont esclaves, parce qu’elles sont attachées à une vie domestique. Si elles étaient esclaves, elles seraient donc dans la mendicité à la mort de leurs maris ; c’est ce qui n’arrive point : elles ont partout une portion réglée par la loi, et elles obtiennent cette portion en cas de divorce. D’un bout du monde à l’autre vous trouvez des lois établies pour le maintien des familles.

Il y a partout un frein imposé au pouvoir arbitraire, par la loi, par les usages, ou par les mœurs. Le sultan turc ne peut ni toucher à la monnaie, ni casser les janissaires, ni se mêler de l’intérieur des sérails de ses sujets. L’empereur chinois ne promulgue pas un édit sans la sanction d’un tribunal. On essuie dans tous les États de rudes violences. Les grands-vizirs et les itimadoulets exercent le meurtre et la rapine ; mais ils n’y sont pas plus autorisés par les lois que les Arabes et les Tartares vagabonds ne le sont à piller les caravanes.

La religion enseigne la même morale à tous les peuples sans aucune exception : les cérémonies asiatiques sont bizarres, les croyances absurdes, mais les préceptes justes. Le derviche, le faquir, le bonze, le talapoin, disent partout : Soyez équitables et bienfaisants. On reproche au bas peuple de la Chine beaucoup d’infidélités dans le négoce : ce qui l’encourage peut-être dans ce vice, c’est qu’il achète de ses bonzes pour la plus vile monnaie

  1. On proposa d’abolir en France le droit d’aubaine par une loi générale. Le chancelier d’Aguesseau s’y refusa, parce que c’était, disait-il, la loi la plus ancienne de la monarchie. Ce droit a été aboli depuis par des traités particuliers avec les puissances chez qui il était réciproque. Il subsiste encore avec l’Angleterre, parce que les Anglais ne l’ont pas aboli chez eux, et que tous les inconvénients de ce droit étant pour la nation qui l’exerce, l’Angleterre n’a aucun intérêt de le détruire en France. (K.) — Le droit d’aubaine, aboli en 1790 par l’Assemblée constituante, rétabli en 1803 par le Code civil, a été de nouveau aboli par la loi du 14 juillet 1819, dont voici le texte :

    ART. 1er. Les articles 726 et 912 du Code civil sont abrogés : en conséquence les étrangers auront le droit de succéder, de disposer, et de recevoir, de la même manière que les Français, dans toute l’étendue du royaume.

    2. Dans le cas de partage d’une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales.