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LOUIS LE DÉBONNAIRE.

Lothaire prend le prétexte du détrônement de Pepin, son frère, pour arriver d’Italie avec une armée, et avec cette armée il amène le pape Grégoire IV pour inspirer plus de respect et plus de trouble.

833. Quelques évêques attachés à l’empereur Louis, et surtout les évêques de Germanie, écrivent au pape : « Si tu es venu pour excommunier, tu t’en retourneras excommunié. » Mais le parti de Lothaire, des autres enfants rebelles, et du pape, prévaut. L’armée rebelle et papale s’avance auprès de Bâle contre l’armée impériale. Le pape écrit aux évêques : « Sachez que l’autorité de ma chaire est au-dessus de celle du trône de Louis. » Pour le prouver, il négocie avec cet empereur, et le trompe. Le champ où il négocia s’appela le Champ du mensonge. Il séduit les officiers et les soldats de l’empereur. Ce malheureux père se rend à Lothaire et à Louis de Bavière, ses enfants rebelles, à cette seule condition qu’on ne crèvera pas les yeux à sa femme et à son fils Charles, qui était avec lui.

Il faut remarquer que ce Champ du mensonge, où le pape usa de tant de perfidie envers l’empereur, est auprès de Rouffac dans la haute Alsace, à quelques lieues de Bâle : il a conservé le nom de Champ du mensonge[1]. Si nos campagnes avaient été désignées par les crimes qui s’y sont commis, la terre entière serait un monument de scélératesse.

Le rebelle Lothaire envoie sa belle-mère Judith prisonnière à Tortone, son père dans l’abbaye de Saint-Médard, et son frère Charles dans le monastère de Prum. Il assemble une diète à Compiègne, et de là à Soissons.

Un archevêque[2] de Reims nommé Ebbon, tiré de la condition servile, élevé malgré les lois à cette dignité par Louis même, dépose son souverain et son bienfaiteur. On fait comparaître le monarque devant ce prélat, entouré de trente évêques, de chanoines, de moines, dans l’église de Notre-Dame de Soissons. Lothaire, son fils, est présent à l’humiliation de son père. On fait étendre un cilice devant l’autel. L’archevêque ordonne à l’empereur d’ôter son baudrier, son épée, son habit, et de se prosterner sur ce cilice. Louis, le visage contre terre, demande lui-même la pénitence publique, qu’il ne méritait que trop en s’y soumet-

  1. M. Graff, dans son Histoire de la ville de Mulhausen, prétend que la plaine située à un quart de lieue de la ville de Thann, plaine aride, connue sous le nom d’Ochsenfeld, le champ des bœufs, traversée par la route de Colmar à Belfort, est la même que le Champ du mensonge. (Cl.)
  2. Il n’y avait encore que des évêques ; voyez page 235. (B.)