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ANNALES DE L’EMPIRE.

tant. L’archevêque le force de lire à haute voix la liste de ses crimes, parmi lesquels il est spécifié qu’il avait fait marcher ses troupes le mercredi des Cendres, et indiqué un parlement un jeudi-saint. On dresse un procès-verbal de toute cette action, monument encore subsistant d’insolence et de bassesse. Dans ce procès-verbal on ne daigne pas seulement nommer Louis du nom d’empereur.

Louis le Faible reste enfermé un an dans une cellule du couvent de Saint-Médard de Soissons, vêtu d’un sac de pénitent, sans domestiques. Si des prêtres appelés évêques (se disant successeurs de Jésus, qui n’institua jamais d’évêques) traitaient ainsi leur empereur, leur maître, le fils de Charlemagne, dans quel horrible esclavage n’avaient-ils pas plongé les citoyens ! à quel excès la nature humaine n’était-elle pas dégradée ! mais, et empereurs et peuples méritaient des fers si honteux, puisqu’ils s’y soumettaient.

Dans ce temps d’anarchie, les Normands, c’est-à-dire ce ramas de Norvégiens, de Suédois, de Danois, de Poméraniens, de Livoniens, infestaient les côtes de l’empire[1]. Ils brûlaient le nouvel évêché de Hambourg ; ils saccageaient la Frise ; ils faisaient prévoir les malheurs qu’ils devaient causer un jour, et on ne put les chasser qu’avec de l’argent : ce qui les invitait à revenir encore.

834. Louis, roi de Bavière, Pepin, roi d’Aquitaine, veulent délivrer leur père parce qu’ils sont mécontents de Lothaire leur frère. Lothaire est forcé d’y consentir. On réhabilite l’empereur dans Saint-Denis auprès de Paris ; mais il n’ose reprendre la couronne qu’après avoir été absous par les évêques.

835. Dès qu’il est absous, il peut lever des armées, Lothaire lui rend sa femme Judith et son fils Charles, Une assemblée à Thionville anathématise celle de Soissons. Il n’en coûte à l’archevêque Ebbon que la perte de son siége ; encore ne fut-il déposé que dans la sacristie. L’empereur l’avait été au pied de l’autel.

836. Toute cette année se passe en vaines négociations, et est marquée par des calamités publiques.

837. Louis le Faible est malade. Une comète paraît : « Ne manquez pas, dit l’empereur à son astrologue, de me dire ce que cette comète signifie. » L’astrologue répondit qu’elle annonçait la mort d’un grand prince. L’empereur ne douta pas que ce ne fût la sienne. Il se prépara à la mort, et guérit. Dans la même année la comète eut son effet sur le roi Pepin son fils : ce fut un nouveau sujet de trouble.

  1. Voyez, tome XI page 304 ; et ci-après, page 249.