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ANNALES DE L’EMPIRE.

Les Génois fournissent à Henri la flotte qu’ils lui ont promise ; les Pisans y ajoutent douze galères, eux qui ne pourraient pas aujourd’hui fournir douze bateaux de pêcheurs. L’empereur, avec ces forces, fournies par des Italiens pour asservir l’Italie, se montre devant Naples qui se rend ; et tandis qu’il fait assiéger en Sicile Palerme et Catane, la veuve de Tancrède, enfermée dans Salerne, capitule, et cède les deux royaumes, à condition que son fils Guillaume aura, du moins, la principauté de Tarente. Ainsi, après cent ans que Robert et Roger avaient conquis la Sicile, ce fruit de tant de travaux des chevaliers français tombe dans les mains de la maison de Souabe.

Les Génois demandent à l’empereur l’exécution du traité qu’ils ont fait avec lui, la restitution stipulée de quelques terres, la confirmation de leurs priviléges en Sicile, accordés par le roi Roger. Henri VI leur répond : « Quand vous m’aurez fait voir que vous êtes libres, et que vous ne me deviez pas une flotte en qualité de vassaux, je vous tiendrai ce que je vous ai promis. » Alors, joignant l’atrocité de la cruauté à l’ingratitude et à la perfidie, il fait exhumer le corps de Tancrède, et lui fait couper la tête par le bourreau. Il fait eunuque le jeune Guillaume, fils de Tancrède, l’envoie prisonnier à Coire, où il lui fait crever les yeux. La reine sa mère et ses filles sont conduites en Allemagne, et enfermées dans un couvent en Alsace. Henri fait emporter une partie des trésors amassés par les rois. Et les hommes souffrent à leur tête de tels hommes ! et on les appelle les oints du Seigneur !

1195. Henri de Brunsvick, fils du Lion, obtient le Palatinat après la mort de son beau-père le palatin Conrad.

On publie une nouvelle croisade à Vorms ; Henri VI promet d’aller combattre pour Jésus-Christ.

1196. Le zèle des voyages d’outre-mer croissait par les malheurs, comme les religions s’affermissent par les martyres. Une sœur du roi de France Philippe-Auguste, veuve de Béla, roi de Hongrie, se met à la tête d’une partie de l’armée croisée allemande, et va en Palestine essuyer le sort de tous ceux qui l’ont précédée. Henri VI fait marcher une autre partie des croisés en Italie, où elle lui devait être plus utile qu’à Jérusalem.

C’est ici un des points les plus curieux et les plus intéressants de l’histoire. La grande Chronique belgique rapporte que non-seulement Henri fit élire son fils (Frédéric II, encore au berceau) par cinquante-deux seigneurs ou évêques, mais qu’il fit déclarer l’empire héréditaire, et qu’il statua que Naples et Sicile seraient incorporés pour jamais à l’empire. Si Henri VI put faire ces lois,