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ANNALES DE L’EMPIRE.

1256-1257-1258. On veut en Allemagne faire un empereur. Les princes allemands pensaient alors comme pensent aujourd’hui les palatins de Pologne ; ils ne voulaient point un compatriote pour roi. Une faction choisit Alfonse X, roi de Castille ; une autre élit Richard, frère du roi d’Angleterre Henri III[1]. Les deux élus envoient également au pape pour faire confirmer leur élection : le pape n’en confirme aucune. Richard cependant va se faire couronner à Aix-la-Chapelle, le 17 mai 1257, sans être pour cela plus obéi en Allemagne.

Alfonse de Castille fait des actes de souverain d’Allemagne à Tolède. Frédéric III, duc de Lorraine, y va recevoir à genoux l’investiture de son duché, et la dignité de grand-sénéchal de l’empereur sur les bords du Rhin, avec le droit de mettre le premier plat sur la table impériale dans les cours plénières.

Tous les historiens d’Allemagne, comme les plus modernes, disent que Richard ne reparut plus dans l’empire ; mais c’est qu’ils n’avaient pas connaissance de la chronique d’Angleterre de Thomas Wik. Cette chronique nous apprend que Richard repassa trois fois en Allemagne ; qu’il y exerça ses droits d’empereur dans plus d’une occasion ; qu’en 1263 il donna l’investiture de l’Autriche et de la Stirie à un Ottocare, roi de Bohême, et qu’il se maria en 1269 à la fille d’un baron, nommé Falkenstein[2], avec laquelle il retourna à Londres. Ce long interrègne, dont on parle tant, n’a donc pas véritablement subsisté ; mais on peut appeler ces années un temps d’interrègne, puisque Richard était rarement en Allemagne. On ne voit, dans ces temps-là, en Allemagne, que de petites guerres entre de petits souverains.

1259. Le jeune Conradin était alors élevé en Bavière avec le duc titulaire d’Autriche son cousin, de l’ancienne branche d’Autriche-Bavière, qui ne subsiste plus. Mainfroi, plus ambitieux que fidèle, et lassé d’être régent, se fait déclarer roi de Sicile et de Naples.

C’était donner au pape un juste sujet de chercher à le perdre. Alexandre IV, comme pontife, avait le droit d’excommunier un parjure ; et, comme seigneur suzerain de Naples, le droit de punir un usurpateur ; mais il ne pouvait, ni comme pape, ni comme seigneur, ôter au jeune et innocent Conradin son héritage.

  1. Cette double élection est la première où l’on voit paraître les sept princes électeurs. Les autres grands vassaux ne sont pas consultés. (G. A.)
  2. On lit Falkemorit dans le texte des éditions anciennes et modernes ; mais c’est une faute évidente d’impression ou de copiste. Ce fut le 10 juin que Richard épousa Béatrix de Falkenstein. (Cl.)