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RODOLPHE Ier.

Après la mort de Nicolas III[1], on élit un Français nommé Brion, qui prend le nom de Martin IV. Ce Français fait rendre d’abord la dignité de sénateur au roi de Sicile, et veut lui faire rendre aussi le vicariat de l’empire en Toscane. Rodolphe paraît ne guère s’en embarrasser ; il est assez occupé en Bohême. Ce pays s’était révolté par la conduite violente du margrave de Brandebourg, qui en était régent ; et d’ailleurs Rodolphe avait plus besoin d’argent que de titres.

1281-1282. Ces années sont mémorables par la fameuse conspiration des vêpres siciliennes. Jean de Procida, gentilhomme de Salerne, riche, et qui malgré son état exerçait la profession de médecin et de jurisconsulte, fut l’auteur de cette conspiration, qui semblait si opposée à son genre de vie. C’était un gibelin passionnément attaché à la mémoire de Frédéric II et à la maison de Souabe. Il avait été plusieurs fois en Aragon auprès de la reine Constance, fille de Mainfroi. Il brûlait de venger le sang que Charles d’Anjou avait fait répandre ; mais ne pouvant rien dans le royaume de Naples, que Charles contenait par sa présence et par la terreur, il trama son complot dans la Sicile, gouvernée par des Provençaux plus détestés que leur maître, et moins puissants.

Le projet de Charles d’Anjou était la conquête de Constantinople. Un des grands fruits des croisades de l’Occident avait été de prendre l’empire des Grecs en 1204 ; et on l’avait perdu depuis, ainsi que les autres conquêtes sur les musulmans. La fureur d’aller se battre en Palestine avait passé depuis les malheurs de saint Louis ; mais la proie de Constantinople paraissait facile à saisir ; et Charles d’Anjou espérait détrôner Michel Paléologue, qui possédait alors le reste de l’empire d’Orient.

Jean de Procida va, déguisé, à Constantinople avertir Michel Paléologue ; il l’excite à prévenir Charles ; de là il court en Aragon voir en secret le roi Pierre. Il eut de l’argent de l’un et de l’autre ; il gagne aisément des conjurés. Pierre d’Aragon équipe une flotte, et, feignant d’aller contre l’Afrique, il se tient prêt pour descendre en Sicile. Procida n’a pas de peine à disposer les Siciliens.

Enfin le troisième jour[2] de Pâques 1282, au son de la cloche

  1. Ce pape mourut le 22 auguste 1280 ; mais Martin IV ne fut élu que le 22 février suivant. (Cl.)
  2. Cette date semble confirmée par le témoignage de Fazelli : Voltaire, dans l’Essai sur les Mœurs, dit le lendemain de Pâques ; voyez, tome XI, page 493.