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ANNALES DE L’EMPIRE.

y a de grands troubles en Danemark au sujet du duché de Slesvick. Le roi Éric s’empare de ce duché ; mais la guerre des hussites est bien plus importante, et regarde de plus près l’empire.

Sigismond assiége Prague ; Jean Ziska le met en déroute, et lui fait lever le siége ; un prêtre marchait avec lui à la tête des hussites, un calice à la main, pour marquer qu’ils voulaient communier sous les deux espèces.

Un mois après, Jean Ziska bat encore l’empereur. Cette guerre dura seize années. Si l’empereur n’avait pas violé son sauf-conduit, tant de malheurs ne seraient pas arrivés.

1421. Il y avait longtemps qu’on ne faisait plus de croisades que contre les chrétiens. Martin V en fait prêcher une en Allemagne contre les hussites, au lieu de leur accorder la communion avec du vin.

Un évêque de Trêves marche à la tête d’une armée de croisés contre Jean Ziska, qui, n’ayant pas avec lui plus de douze cents hommes, taille les croisés en pièces.

L’empereur marche encore vers Prague, et est encore battu.

1422. Coribut, prince de Lithuanie, vient se joindre à Ziska, dans l’espérance d’être roi de Bohême. Ziska, qui méritait de l’être, menace d’abandonner Prague.

Le mot Ziska signifiait borgne en langue esclavonne, et on appelait ainsi ce guerrier comme Horatius avait été nommé Cocles. Il méritait alors celui d’aveugle, ayant perdu les deux yeux, et ce Jean l’Aveugle était bien un autre homme que l’autre Jean l’Aveugle[1], père de Sigismond. Il croyait, malgré la perte de ses yeux, pouvoir régner, puisqu’il pouvait combattre et être chef de parti.

1423. L’empereur, chassé de la Bohême par les vengeurs de Jean Hus, a recours à sa ressource ordinaire, celle de vendre des provinces. Il vend la Moravie à Albert, duc d’Autriche : c’était vendre ce que les hussites possédaient alors.

Procope, surnommé le Rasé, parce qu’il était prêtre, grand capitaine, devenu l’œil et le bras de Jean Ziska, défend la Moravie contre les Autrichiens.

1424. Non-seulement Ziska l’Aveugle se soutient malgré l’empereur, mais encore malgré Coribut, son défenseur, devenu son rival. Il défait Coribut après avoir vaincu l’empereur.

Sigismond pouvait au moins profiter de cette guerre civile entre ses ennemis ; mais dans ce temps-là même il est occupé à

  1. Jean l’Aveugle était l’aïeul de Sigismond ; voyez la note, année 1348.