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SIGISMOND.

tion. Les conciles se regardaient comme les états généraux de l’Europe, juges des papes et des rois. On avait détrôné Jean XXIII à Constance ; on voulait, à Bâle, faire rendre compte à Eugène IV.

Eugène, qui se croyait au-dessus du concile, le dissout, mais en vain. Il s’y voit citer pour y comparaître plutôt que pour y présider ; et Sigismond prend ce temps pour s’aller faire inutilement couronner en Lombardie, et ensuite à Rome.

Il trouve l’Italie puissante et divisée. Philippe Visconti régnait sur le Milanais et sur Gênes, malheureuse rivale de Venise, qui avait perdu sa liberté, et qui ne cherchait plus que des maîtres. Le duc de Milan et les Vénitiens se disputaient Vérone et quelques frontières. Les Florentins prenaient le parti de Venise, Lucques, Sienne, étaient pour le duc de Milan. Sigismond est trop heureux d’être protégé par ce duc pour aller recevoir à Rome la vaine couronne d’empereur. Il prend ensuite le parti du concile contre le pape, comme il avait fait à Constance. Les pères déclarent sa sainteté contumace, et lui donnent soixante jours pour se reconnaître, après quoi on le déposera.

Les pères de Bâle voulaient imiter ceux de Constance. Mais les exemples trompent. Eugène était puissant à Rome, et les temps n’étaient pas les mêmes.

1433. Les députés de Bohême sont admis au concile. Jean Hus et Jérôme avaient été brûlés à Constance. Leurs sectateurs sont respectés à Bâle : ils y obtiennent que leurs voix seront comptées. Les prêtres hussites qui s’y rendent n’y marchent qu’à la suite de ce Procope le Rasé, qui vient avec trois cents gentilshommes armés ; et les pères disaient : « Voilà le vainqueur de l’Église et de l’empire. » Le concile leur accorde la permission de boire en communiant, et on dispute sur le reste. L’empereur arrive à Bâle ; il y voit tranquillement son vainqueur, et s’occupe du procès qu’on fait au pape.

Tandis qu’on argumente à Bâle, les hussites de Bohême, joints aux Polonais, attaquent les chevaliers teutons ; et chaque parti croit faire une guerre sainte. Tous les ravages recommencent ; les hussites se font la guerre entre eux.

Procope quitte le concile, qu’il intimidait, pour aller se battre en Bohême contre la faction opposée. Il est tué dans un combat près de Prague.

La faction victorieuse fait ce que l’empereur n’aurait osé faire : elle condamne au feu un grand nombre de prisonniers. Ces hérétiques, armés si longtemps pour venger la cendre de leur apôtre, se livrent aux flammes les uns les autres.